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Climat: un bouleversement des écosystèmes planétaires est en cours
En avril dernier, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a achevé la publication de son 6e rapport. Selon les auteurs, le réchauffement de notre planète conduit à des risques très élevés de perte de biodiversité à court terme. Pour Patrick Mardulyn, il apparait clair que le monde tel qu’on le connait aujourd’hui sera totalement différent d'ici à la fin du siècle.
Que prévoient les modèles pour l’avenir?
Patrick Mardulyn : Les prévisions sur l’évolution de la faune et de la flore, basées sur celles des modèles climatiques, indiquent qu’il y aura un bouleversement assez considérable des écosystèmes dans les différents habitats du globe, puisque la composition des espèces qu’ils abritent va changer. Avec l’augmentation des températures, certaines plantes et animaux devront en effet déménager dans des régions aux conditions climatiques plus propices. Aussi, dans le nord de l’Europe, la diversité globale devrait augmenter par l’arrivé d’espèces vivant normalement plus au sud.
Et pour les espèces incapables de s’adapter ou de se déplacer?
Patrick Mardulyn : Elles disparaitront. Particulièrement celles vivant dans des régions très froides, aux pôles ou en haute montagne. Par ailleurs, les montagnes des régions tropicales sont souvent des «points chauds» pour la biodiversité mondiale et abritent des spécimens qu’on ne retrouve que là. Le réchauffement du climat accélérera donc le processus d’extinction massive, déjà en cours à cause des diverses pressions sur l’environnement exercées par l’humain. A noter que toutes les espèces capables de se déplacer vers des endroits au climat plus propice ne survivront pas non plus. Certaines dépendent de la présence d’autres pour leur survie, qui n’auront peut-être pas la même faculté à se déplacer. Chez les insectes, par exemple, beaucoup se nourrissent de plantes bien particulières, qui ne se retrouveront pas nécessairement dans la nouvelle région colonisée.
Une augmentation de la température mondiale limitée à 2 degrés permettra-t-elle d’enrayer le phénomène?
Patrick Mardulyn : Non, au mieux, l’impact sera limité. Évidemment, moins on agira, plus les conséquences seront dramatiques. Mais certains changements sont d’ores et déjà en cours et il sera impossible de faire marche arrière. Des espèces ont déjà disparu. On ne peut pas nécessairement attribuer ces extinctions et diminutions de population au réchauffement climatique, car le monde végétal et animal souffre aussi de la destruction de son habitat, de la pollution des eaux, de l’air, etc. Souvent, les causes se combinent. Ce qu’on peut déjà attribuer au changement du climat, c’est le déplacement d’espèces dans des régions où on ne les avait jamais vues auparavant. En Belgique, citons le guêpier d’Europe, une espèce d’oiseau qui était jusqu’ici surtout présent dans le sud de l’Europe. Ou encore l’argiope frelon, une araignée originaire de la zone méditerranéenne.
Avec quelles conséquences pour l’humain?
Patrick Mardulyn : L’arrivée de nouvelles espèces peut constituer une menace pour les sociétés humaines. Si des insectes ravageurs, par exemple, venaient à se déplacer chez nous, ils pourraient mettre en péril nos cultures. Surtout si leurs prédateurs naturels ne les suivent pas, ce qui entrainerait un boom de leurs populations. Des insectes vecteurs de maladie pourraient aussi apparaitre, et des affections restreintes aujourd’hui à certains endroits (comme le paludisme) toucheraient alors d’autres régions du globe.
Camille Stassart
L'expert
Professeur à l’ULB, Patrick Mardulyn enseigne l’évolution et la génétique des populations. Ses recherches au sein du Laboratoire d’évolution biologique et d’écologie, en Faculté des Sciences se focalisent sur l’analyse de la variation génétique pour étudier l’évolution des organismes. il s’intéresse notamment à l’évolution de l’aire de répartition des espèces en fonction des changements climatiques du passé et aux processus de diversification du vivant.