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Ukraine-Russie: une entente vouée à l’échec?

Publié le 9 novembre 2022 Mis à jour le 15 décembre 2022

Le 24 février, la Russie surprend le monde entier en lançant une offensive militaire en Ukraine. Comment ces deux États en sont-ils arrivés là? «Le divorce politique était déjà acté depuis 2014, quand la Russie a décidé d’annexer la Crimée et de soutenir le conflit dans le Donbas» souligne Coline Maestracci. Explication.

Territoire disputé pendant des siècles par les grandes puissances, l’Ukraine connait une courte indépendance à la fin de l’Empire tsariste en 1918. Mais dès 1922, elle est réintégrée à la Russie comme république de l’URSS. Quelle relation entretenait-elle alors avec Moscou?

Coline Maestracci : Elle avait à la fois une relation privilégiée avec le pouvoir central, par son rôle important dans l’économie de l’Union soviétique. Mais c’est aussi une relation marquée par la domination. Citons les grandes famines orchestrées par Staline en 1932-33, qui ont fait des millions de morts. Après la 2e guerre mondiale, les relations avec Moscou se stabilisent, jusqu’à la chute de l’URSS, en 1989.

En 1991, l’Ukraine prend son indépendance. Comment cela est-il vécu par la Russie?

Coline Maestracci : Pour le pouvoir, la fin de l’URSS et la perte de cette zone d’influence a été très traumatique : la puissance impériale doit accepter la chute de son empire. La Russie reconnait néanmoins l’intégrité territoriale de l’Ukraine et s’engage à la respecter en signant le mémorandum de Budapest en 1994. Mais, dès les années 2000, la Russie se renferme sur elle-même, et revient à une rhétorique belliqueuse envers ses pays frontaliers. 

En 2014, les relations se détériorent subitement. Que s’est-il passé?

Coline Maestracci : Fin 2013, le Président Ianoukovytch refuse de signer un accord d’association économique, prévu de longue date, avec l’Union européenne. De nombreux citoyens manifestent leur colère sur la Place Maïdan, à Kiev. Mais cette mobilisation est violemment réprimée. Elle se transforme alors en une occupation durable de la Place, et le mouvement s’élargit à d’autres villes. Ianoukovytch est finalement destitué à la fin février 2014, et fuit en Russie. Au même moment, des hommes armés profitent de cette période de transition politique pour saisir tous les bâtiments stratégiques de Crimée, et annexer la région par referendum. En 2015, Vladimir Poutine admet que ce sont bien des militaires russes qui ont participé à cette opération. Pour le pouvoir russe, il s’agit du retour d’un territoire injustement perdu en 1954 (NDA : année où la Crimée est intégrée à l’Ukraine soviétique et le restera après 1991). Mais pour l’Ukraine, il s’agit d’une annexion pure et simple d’une partie de son territoire.

En avril 2014, la guerre du Donbas éclate. En quoi est-elle liée à ces événements?

Coline Maestracci : Dès janvier, des mouvements anti-Maïdan émergent, surtout dans l’est. La mobilisation née sur la place Maïdan y est mal comprise, et le Kremlin en joue, décrivant le mouvement comme fasciste et antirussophone. En mars, des referendums dans le Donbas aboutissent à l’auto-proclamation des républiques de Donetsk et de Louhansk, soutenues par la Russie. En réponse, les autorités ukrainiennes lancent une opération militaire pour reprendre le contrôle de ces républiques. Pour l’Ukraine, un point de non-retour a été franchi cette année-là.

L’invasion de février était-elle dès lors si inattendue ? L’Occident a-t-il sous-estimé la menace?

Coline Maestracci : Personne n’avait envisagé une guerre de cette ampleur. Pour les experts, une nouvelle opération dans le Donbas était possible, mais pas une invasion de tout le territoire. Pour autant, le problème n’est pas la lenteur ou l’absence de réaction de l’Occident, mais que la Russie n’a de cesse de nier la souveraineté de l’Ukraine. L’origine de cette guerre se trouve dans une politique impériale de la part d’un Empire, qui n’en est plus un.

Camille Stassart