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Mieux comprendre comment les bactéries se défendent

Publié le 17 novembre 2022 Mis à jour le 18 novembre 2022

Des chercheurs de la Faculté des Sciences et leurs collègues de l'Université de Lund et du MIT progressent dans notre compréhension du système toxine-antitoxine, qui, activé dans une cellule bactérienne infectée, arrête la croissance de la cellule, ce qui empêche la réplication du virus et protège la population restante. Leur étude est publiée dans la revue Nature.


Au cours de la lutte millénaire pour la survie et l’adaptation, les bactéries ont développé de multiples stratégies de défense sophistiquées pour combattre leurs virus, connus sous le nom de bactériophages ou simplement « phages ». Les multiples mécanismes de défense bactérienne contre les phages sont tous regroupés sous le concept de système immunitaire bactérien. Le système immunitaire inné des humains détecte les envahisseurs étrangers en reconnaissant les molécules caractéristiques des agents pathogènes comme l'ARN double brin. De manière analogue, de nombreux composants du système immunitaire bactérien semblent également détecter et répondre à des déclencheurs moléculaires spécifiques aux phages. Cependant, l'identité de ces déclencheurs et les mécanismes de détection restent largement inconnus.

Les équipes de recherche d'Abel Garcia-Pino et de Chloé Martens en Faculté des Sciences de l'ULB, Atkinson et Hauryliuk à l'Université de Lund et Laub au MIT ont travaillé ensemble pour identifier ces déclencheurs. Ce consortium international a étudié la fonction anti-phage d'un système toxine-antitoxine (TA) appelé CapRelSJ46 qui protège Escherichia coli contre divers phages.

"Ces systèmes toxine-antitoxine fonctionnent comme des bombes à retardement.  Lorsque le système est activé dans une cellule bactérienne infectée, celle-ci arrête de croitre, ce qui empêche la réplication du virus et protège la population restante".


En adoptant une approche holistique qui combine analyses génétiques, biochimiques et structurelles, les chercheurs ont démontré qu’un domaine spécifique de la protéine CapRelSJ46, nommé le domaine régulateur, joue à la fois le rôle de détecteur d’infection au phage et de régulateur de l’activité toxine du système TA. CapRelSJ46 détecte l’infection via une liaison directe à une protéine formant la capside du phage. Suite à cette liaison, le domaine enzymatique toxique est activé. La toxine catalyse la modification des molécules d'ARN dites de transfert qui apportent les blocs de construction des acides aminés au ribosome - la machine moléculaire qui assemble les acides aminés en protéines. Une fois la synthèse des protéines bloquée par la toxine activée, la croissance bactérienne et la propagation virale sont arrêtées, ce qui met fin à l'infection.

La découverte par Tong et ses collègues d’activation directe du système TA par liaison à la capside du phage est passionnante pour plusieurs raisons. Non seulement elle révèle le mécanisme moléculaire par lequel le système immunitaire bactérien peut détecter directement un composant essentiel et conservé d'un virus, mais elle suggère également un modèle généralisé de détection des pathogènes viraux. Cette liaison directe permet d’imaginer comment des systèmes toxine-antitoxine variés pourraient servir de médiateur à l'immunité innée chez les bactéries. Ce travail a révélé une facette profondément conservée de l'immunité qui pourrait être exploitée à l'avenir dans notre éternelle lutte contre les pathogènes bactériens. 

"Depuis la découverte de la pénicilline par Fleming à la fin des années 1920, les antibiotiques ont révolutionné le domaine de la médecine et la société humaine en général. Cependant, après des décennies d'utilisation (et d'abus), nous sommes aujourd'hui à un point de basculement où de nombreux antibiotiques ne sont plus efficaces, même contre les infections les plus banales.  Dans ce contexte, les travaux de Tong et de ses collègues pourraient favoriser le développement de nouvelles stratégies et la découverte de nouvelles cibles en élargissant notre compréhension des nombreux mécanismes employés par les bactéries pour survivre aux défis environnementaux et se défendre contre les virus."


Cette recherche publiée dans la prestigieuse revue Nature, a bénéficié du soutien de l’ERC, du FNRS et du Welbio.

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