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Impact du réchauffement climatique sur l'expansion du virus de Lassa
Des scientifiques ont analysé des décennies de données environnementales associées aux infections par le virus de Lassa. Leurs analyses révèlent que la température, les précipitations et la présence de zones de pâturage sont des facteurs clés contribuant à la transmission du virus.
« Notre analyse montre comment les changements de climat, d’occupation des sols et de population au cours des 50 prochaines années pourraient augmenter considérablement le risque de fièvre de Lassa en Afrique », explique la première auteure de l’étude, Dr Raphaëlle Klitting, chercheuse postdoctorale au Scripps Research pendant l'étude. Raphaëlle Klitting est membre du laboratoire du co-auteur de l'étude et professeur au Scripps Research, Dr Kristian Andersen. L'autre auteur principal de l'étude est le Dr Simon Dellicour, Service d'Epidémiologie spatiale, Faculté de Sciences de l'Université libre de Bruxelles.
Le virus de Lassa est un virus « zoonotique » qui se transmet à l'homme à partir d'autres animaux - dans ce cas, le rat plurimammaire du Natal (Mastomys natalensis), très probablement par le biais de ses excréments. Alors qu'on estime que 80 % des infections sont légères ou asymptomatiques, les autres cas sont plus graves, avec des symptômes pouvant inclure des hémorragies buccales et intestinales, une pression sanguine basse, et une perte auditive potentiellement permanente. Le taux de mortalité des patients hospitalisés est généralement élevé, atteignant parfois 80%.
On estime que plusieurs centaines de milliers d'infections se produisent chaque année, principalement au Nigeria et dans plusieurs autres pays d'Afrique occidentale. Jusqu'à présent, il n'existe pas de vaccin approuvé ni de traitement médicamenteux efficace contre cette infection. Bien que le principal réservoir animal du virus soit connu, le virus de Lassa ne se propage que dans certaines zones où ces animaux sont présents. Il est donc possible que les facteurs environnementaux contribuent également à déterminer les zones où une transmission virale importante peut se produire.
Dans cette étude, les chercheurs ont utilisé des données sur les conditions environnementales des sites de propagation connus pour développer un modèle de niche écologique pour la transmission du virus. En combinant le modèle avec des projections de changement climatique et d'utilisation des sols en Afrique au cours des prochaines décennies, les chercheurs ont estimé quelles zones d'Afrique étaient propices à la transmission du virus de Lassa à l’heure actuelle, mais aussi dans les décennies à venir. Les estimations des zones actuellement propices à la transmission du virus Lassa correspondent bien aux zones endémiques connues en Afrique de l'Ouest, mais les estimations pour les décennies futures suggèrent une expansion potentiellement importante de l’étendue de la niche écologique du virus, à la fois à l'intérieur et au-delà de l'Afrique de l'Ouest.
« Nous avons constaté que plusieurs régions devraient devenir écologiquement appropriées pour la propagation du virus de Lassa en Afrique centrale, notamment au Cameroun et en République démocratique du Congo, et même en Afrique de l’Est, en Ouganda », a déclaré Raphaëlle Klitting.
De plus, la population d'Afrique connaît actuellement une croissance rapide. Les chercheurs ont donc examiné les projections de cette croissance démographique pour les zones favorables à la circulation du virus de Lassa à l’heure actuelle et au cours des prochaines décennies. Ils ont constaté que le nombre de personnes potentiellement exposées au virus pourrait passer d'environ 92 millions aujourd'hui à 453 millions en 2050 et à 700 millions en 2070, soit une augmentation de plus de 600%.
Les chercheurs ont également examiné la dynamique de la propagation du virus de Lassa à l'aide de données sur les génomes viraux séquencés et prélevés à divers endroits en Afrique de l'Ouest et, sur une note plus optimiste, ont pu constater que la dispersion du virus était assez lente. Ils en ont conclu que la propagation du virus dans de nouvelles zones écologiquement appropriées au cours des prochaines décennies pourrait également être lente; ce qui pourrait faciliter le contrôle d’une telle propagation.
Selon les auteurs, ces résultats pourraient éclairer les politiques locales de santé publique, par exemple en encourageant l’ajout du virus de Lassa aux listes des virus faisant l'objet d'une surveillance épidémiologique dans certaines régions d'Afrique centrale et orientale. L'étude est également le fruit d'une approche interdisciplinaire impliquant des analyses moléculaires et évolutives, ainsi que des modélisations écologiques et climatiques.
« Avec le changement climatique en cours et l'impact croissant des activités humaines sur l'environnement, des études plus approfondies dédiées à l'écologie et la propagation des maladies zoonotiques et à transmission vectorielle sont nécessaires pour anticiper les possibles futurs changements dans leur distribution ainsi que leur impact sur la santé publique », explique Simon Dellicour.
Légende : Une étude menée par le Scripps Research et l’Université Libre de Bruxelles montre que le risque d'exposition humaine au virus de Lassa, qui peut provoquer une maladie grave et souvent mortelle de type fièvre hémorragique, pourrait augmenter considérablement au cours des prochaines décennies. La photo montre des projections de la niche écologique propice à la transmission du virus de Lassa. Crédit : Scripps Research et Université de Bruxelles
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