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La politique italienne est-elle vraiment atteinte d’instabilité chronique ?
Ces dernières semaines, le M5S, en pleine crise identitaire et en baisse dans les sondages, n’a pas hésité à instrumentaliser des thèmes de politique étrangère, de politique économique ou encore de politique locale pour tenter de gagner en visibilité en menaçant de ne plus voter la confiance au gouvernement. Une énième crise politique en Italie ? Analyse de Luca Tomini dans The Conversation.
La chute du gouvernement dirigé par Mario Draghi signale-t-elle le début d’une nouvelle période d’instabilité politique pour l’Italie ?
La conclusion de cette expérience gouvernementale qui aura duré un an et demi a été provoquée au premier chef par les turbulences internes du Mouvement 5 étoiles (M5S), membre majeur de la coalition sortante.
Ces dernières semaines, le M5S, en pleine crise identitaire et en baisse dans les sondages, n’a pas hésité à instrumentaliser des thèmes de politique étrangère, de politique économique ou encore de politique locale pour tenter de gagner en visibilité en menaçant de ne plus voter la confiance au gouvernement.
Le 20 juillet, après une période confuse – le 14 juillet, Draghi avait déjà remis sa démission au président Mattarella, qui l’avait refusée –, les partis de droite appartenant à la coalition (la Ligue, de Matteo Salvini, et Forza Italia, de Silvio Berlusconi) ont, également pour des raisons politiques, choisi de retirer à leur tour leur soutien au gouvernement. Ce 20 juillet, la Ligue, Forza Italia et le M5S se sont abstenus lors d’un vote au Parlement d’une motion de confiance au gouvernement.
Dès le lendemain, le premier ministre remettait une nouvelle fois sa démission au président qui, cette fois, l’acceptait, et le chargeait de gérer les affaires courantes jusqu’aux prochaines élections.
Vers une recomposition du paysage politique
Ainsi se termine le gouvernement Draghi et l’apparente trêve entre les forces politiques qui avait permis une relative stabilité depuis un an et demi.
Cette stabilité était, dans tous les sens, précaire, parce qu’elle reposait sur un accord entre plusieurs acteurs politiques différents et fondamentalement opposés, et parce qu’il ne s’agissait que du troisième acte d’une législature qui a vu passer trois gouvernements soutenus par trois majorités différentes : le premier gouvernement Conte (juin 2018-août 2019), soutenu par le M5S et la Ligue se caractérisant par de fortes pressions anti-européennes et populistes ; le deuxième gouvernement Conte (septembre 2019-février 2021), soutenu par le M5S et le centre gauche (le Parti démocrate et l’alliance « Libres et égaux »), qui s’est essentiellement occupé de la pandémie et qui a négocié le plan européen Next Generation EU ; et enfin, le troisième gouvernement de grande coalition présidé par Mario Draghi et soutenu par tous les partis à l’exclusion des Frères d’Italie (extrême droite), qui a garanti la stabilité du pays dans le contexte européen et international et qui a supervisé la sortie de la pandémie et la mise en œuvre des premières phases du Next Generation EU.
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Désormais, le pays se dirige vers de nouvelles élections, prévues à la fin du mois de septembre. La compétition s’articule autour de trois pôles : d’abord, une alliance se présentant comme étant « de centre droit » – en réalité très déséquilibrée vers l’extrême droite de Matteo Salvini (Lega Nord) et surtout de Giorgia Meloni (Frères d’Italie), le troisième participant étant Forza Italia de Silvio Berlusconi, en perte d’attractivité auprès des électeurs centristes, dans le rôle du « junior partner » ; ensuite, un pôle de centre gauche actuellement en construction, formé par le Parti démocrate (PD), plusieurs partis de gauche, et une galaxie de partis centristes et libéraux qui souhaitent hériter de l’agenda politique de Mario Draghi ; et, enfin, le M5S qui, pour avoir été à l’origine de la chute du gouvernement Draghi, a été exclu des alliances avec le PD et semble se diriger vers l’insignifiance politique, ayant probablement épuisé sa fonction dans la politique italienne.

Les sondages semblent annoncer la victoire de la coalition de centre droit, notamment parce que le système électoral italien (un système mixte proportionnel/majoritaire) tend à récompenser les grandes coalitions pré-électorales et parce que l’absence d’un accord PD-M5S affaiblit indiscutablement le front opposé.
Cependant, malgré l’avance dans les sondages dont jouit actuellement la coalition de droite, le résultat des élections et surtout des négociations post-électorales en vue de la formation d’un nouveau gouvernement doit encore être considéré comme ouvert. Beaucoup dépendra évidemment de la campagne et de la capacité des partis à mobiliser leur électorat (dans un contexte de baisse continue de la participation) et à imposer efficacement leurs thèmes de prédilection dans le débat. En outre, quatre facteurs doivent être examinés très attentivement.
Luca Tomini, Chercheur qualifié FNRS. Professeur en science politique (ULB), Université Libre de Bruxelles (ULB)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.