Publié le 17 mai 2022 Mis à jour le 17 mai 2022

Un système composé de quatre étoiles liées gravitationnellement a été suivi par spectroscopie pendant plusieurs années par une équipe de chercheurs. Ce système quadruple est instable et les simulations de son évolution future montrent que, à terme, les étoiles pourront entrer en collision, ce qui est susceptible de produire une supernova thermonucléaire. L'évolution de tels systèmes quadruples stellaires représente donc une nouvelle voie pour expliquer les observations de supernovae.

Les étoiles aiment la compagnie, et contrairement à notre Soleil, la plupart des étoiles de la Voie Lactée ont un ou plusieurs compagnons stellaires. Il est désormais reconnu que les étoiles binaires jouent un rôle majeur dans un large éventail d'événements astrophysiques observés, et les fusions de binaires sont notamment à l'origine de la récente détection d'émissions d'ondes gravitationnelles. En outre, les étoiles binaires nous permettent de dériver les paramètres stellaires fondamentaux tels que les masses, les rayons et les luminosités avec une meilleure précision que les étoiles seules. Elles représentent les joyaux sur lesquels reposent divers sujets d'astrophysique.

Alors que les binaires ont reçu beaucoup d'attention jusqu'à présent, les systèmes stellaires d'ordre supérieur sont restés à l'écart jusqu'à récemment, malgré le fait qu'ils présentent une grande variété d'interactions, en particulier dans les systèmes serrés. Les quadruples stellaires ne représentent qu'une fraction marginale (quelques pour cent) de tous les systèmes multiples. L'évolution complexe de ces systèmes multiples d'ordre élevé implique des transferts de masse et des collisions, conduisant à des fusions qui sont également des progéniteurs possibles de supernovae thermonucléaires. Ces supernovae représentent des chandelles standards pour fixer l'échelle de distance de l'Univers, malgré le fait que le(s) canal(aux) évolutif(s) menant aux progéniteurs de telles explosions de supernova sont encore très débattus.

En 2017, Thibault MERLE - Unité de recherche en Astronomie et Astrophysique, Faculté des Sciences de l’Université libre de Bruxelles -  a découvert une quadruple spectroscopique (HD 74438), c’est-à- dire un système formé de quatre étoiles, dans le sondage Gaia-ESO. Le sondage Gaia-ESO est un sondage spectroscopique publique qui fournit un aperçu détaillé du contenu stellaire de la Voie lactée en caractérisant plus de 100 000 étoiles.  Il a ensuite pu suivre ce système avec des spectrographes à haute résolution à l'Observatoire Mont John de l'Université de Canterbury en Nouvelle-Zélande et au Southern African Large Telescope en Afrique du Sud. Ces observations ont permis de déterminer que ce système est composé de 4 étoiles  liées gravitationnellement : une binaire à courte période orbitant autour d'une autre binaire à courte période sur une période orbitale plus longue (configuration 2+2). Son appartenance à l'amas ouvert IC 2391 en fait la plus jeune quadruple spectroscopique découverte à ce jour  (43 Ma millions d’années) et parmi les systèmes quadruples ayant la période orbitale externe la plus courte (6 ans).
 

Grâce à l'analyse spectroscopique, il a été possible de montrer que ce système quadruple subit des effets dynamiques sur des échelles de temps longues par rapport aux périodes orbitales. En effet, l'une des binaires intérieures devrait évoluer sur une orbite circulaire alors qu'elle a une orbite excentrique. Ceci s'explique par l'effet gravitationnel du compagnon binaire distant qui peut augmenter l'excentricité.

Des simulations de pointe de l'évolution future de ce système montrent que cette dynamique gravitationnelle peut conduire à une ou plusieurs collisions et fusions produisant des naines blanches dont la masse est juste inférieure à la limite de Chandrasekhar. Une étoile comme notre Soleil finira sa vie sous forme de naine blanche, et la masse des naines blanches ne peut pas dépasser la limite dite de Chandrasekhar. Si elle le fait, à la suite d'un transfert de masse ou d'une fusion, elle s'effondre et produit une supernova thermonucléaire. Il est intéressant de noter que l'on soupçonne aujourd'hui que 70 à 85% de toutes les supernovae thermonucléaires résultent de l'explosion de naines blanches dont la masse est inférieure à la limite de Chandrasekhar. L'évolution de quadruples stellaires tels que HD 74438 représente donc une nouvelle voie prometteuse pour leur formation.