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La solidarité internationale au cœur de nos engagements

Publié le 13 février 2023 Mis à jour le 8 mars 2023

Les universités ont souvent été, et sont toujours, des lieux de contestation et de pensée libre, des épines dans les pieds du pouvoir, donc suspectes par essence. Les chercheurs ont ainsi toujours été parmi les premières cibles visées par les régimes autoritaires… Et même là où la démocratie règne, des contraintes diverses s’exercent sur la production de savoirs scientifiques dont certains sont, par nature, éminemment politiques.

L’Université est donc fragile, parce que démunie lorsque l’arbitraire s’exerce sur elle. Elle est pourtant forte aussi, parce que la communauté scientifique est une communauté universelle, solidaire, partageant des valeurs communes et un même rapport au savoir, une communauté de partage des connaissances, une communauté unie dans son rapport souvent difficile au pouvoir.

Quand des chercheurs et chercheuses sont intimidés, menacés ou en danger, lorsque le pouvoir cherche à les faire taire, les emprisonne, les contraint à l’exil… la solidarité académique internationale se met en place. L’engagement de notre institution a, à cet égard, toujours été exemplaire. Il l’est plus que jamais aujourd’hui.

Lorsque ces dernières années des collègues ont été l’objet en Tunisie de graves menaces de la part de militants islamistes encouragés par certaines autorités politiques, nous étions là ; lorsque des chercheurs turcs ont été inculpés pour avoir signé une pétition pour la paix, nous étions là aussi ; nous le sommes encore pour soutenir des collègues russes, tels l’historien Iouri Dmitriev, en prison depuis 2018, ou la politiste biélorusse Tatiana Kouzina, en prison elle aussi, ou les universitaires victimes de la répression chinoise en région ouïghoure, ou l’anthropologue iranienne Fariba Adelkhah, punie d’une peine de six ans de prison, ou le médecin Ahmadreza Djalali, condamné à mort par l’État iranien… Sans compter, depuis un an, notre soutien à la communauté estudiantine et académique ukrainienne, et la formidable mobilisation que cela a suscité dans notre Université.

Cette solidarité est au cœur de nos engagements passés et présents, au cœur de notre identité d’Université attachée à la défense des droits, au cœur des valeurs qui animent une institution comme la nôtre, pour laquelle la passion de la liberté n’est pas un vain mot.

Mais cette solidarité n’est pas que rhétorique. En presque deux siècles d’existence, nous avons accueilli nombre de chercheurs réfugiés, exilés, en danger. Ces dernières années, nous avons structuré cet accueil en créant un Fonds de solidarité pour les chercheurs dits à risque, afin qu’ils puissent poursuivre à l’ULB leurs recherches dans un climat de vraie liberté académique – ce Fonds de solidarité a ainsi permis de favoriser davantage la collaboration scientifique internationale et, sous la forme de bourses postdoctorales, a offert d’accueillir à l’ULB vingt-trois universitaires en danger au cours des six dernières années, dont onze sont actuellement et dans le même temps hébergés chez nous. Nous avons enfin, parmi d’autres initiatives, créé un Welcome Desk for Refugees, et ce afin d’aider les réfugiés politiques à s’inscrire dans notre Université.

Nous avons enfin décidé de mettre l’année 2023 sous le signe de cette solidarité et de consacrer une série d’activités culturelles, scientifiques, engagées… à cette thématique. En nous souvenant aussi que notre institution a été enrichie par les talents qui au cours des décennies nous ont rejoints parce qu’ils ont été contraints de fuir leur pays d’origine, mais se sont intégrés chez nous et ont participé à la vie scientifique et collective de notre Université. Sans elles et eux, nous ne serions pas ce que nous sommes.

Annemie Schaus, rectrice de l'ULB