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Protéger les libertés académiques: le rôle majeur des universités
Publié le 15 février 2023
– Mis à jour le 8 mars 2023
Souvent parmi les premières cibles des régimes autoritaires, les universitaires sont parfois contraints à l’exil. Pour protéger la liberté académique à travers le monde, les universités elles-mêmes peuvent être actrices de solutions pour soutenir et intégrer les scientifiques menacés ou déplacés. L’ULB, soucieuse d’y contribuer, organise à partir du mois de février 2023 une série d’événements pour sensibiliser à la cause de l’exil scientifique et de la liberté académique.
Laboratoire des sociétés futures
L’université est une cité dans la cité qui produit non seulement des compétences, accroit et transmet des connaissances pour les différents secteurs de nos sociétés, mais permet aussi la création d’une société savante, l’élévation de l’individu et sa mobilité vers des emplois meilleurs. Le rôle de l’université est ainsi pionnier dans l’adaptation des individus à un monde en grande mutation : lieu d’innovation, de confrontation des idées et de production d’esprit critique, l’université examine les questions individuelles et collectives importantes, soutient le progrès social et économique, et par là-même participe à la vie démocratique. Il s’agit en fait du laboratoire des sociétés futures, modelant nos patrimoines culturels et scientifiques.Libertés en danger
Dans ces conditions, menacer la liberté académique – la liberté de choisir ses objets et méthodes de recherche et d’enseignement et de communiquer les fruits de ses recherches – revient à menacer la société dans son ensemble. Lorsque les universitaires ne sont plus libres de penser, de remettre en question ou de proposer des points de vue alternatifs, ils ne peuvent pas non plus transmettre leurs connaissances ni créer des capacités utiles à la société, servir la justice ou prendre les risques nécessaires à la découverte et la création. Pour les étudiants, les droits d’apprendre et de développer un point de vue critique risquent alors d’être remis en cause de la même façon. Or, les universitaires sont souvent parmi les premières cibles des dérives autoritaires de certains régimes, s’opposant par la nature de leur travail à l’arbitraire et aux mensonges nourris par les crises politiques et les conflits. Ces dernières années, au gré de l’actualité géopolitique en Syrie, en Turquie, en Afghanistan, au Brésil, en Chine, en Ukraine, en Russie et dans bien d’autres parties du monde, les demandes de soutien émanant de scientifiques ont dramatiquement augmenté. Empêchés d’exercer leurs activités de recherche et d’enseignement dans des conditions normales, confrontés au harcèlement ou aux menaces, l’exil est parfois la seule solution pour continuer à produire du savoir et, dans certains cas, sauver leur vie et celle de leurs proches.Développer les initiatives
Face à ces situations, les institutions scientifiques jouent un rôle essentiel dans la protection de la liberté académique pour l’ensemble de la communauté universitaire internationale, et dans la création de solutions de soutien et d’intégration durables pour les scientifiques déplacés ou à risque, par le biais notamment de bourses, de chaires et en facilitant les collaborations actives. Au cours de la dernière décennie, de nombreuses initiatives ont vu le jour comme Scholars at Risk basé aux Etats-Unis ou Science4Refugees initié par l’Union européenne. En Allemagne, en France et aux Pays-Bas, des programmes d’accueil financés ont été mis en place pour permettre aux universités de recevoir de façon structurelle des scientifiques en exil. En Belgique, de tels dispositifs dépendent de l’initiative locale. En Flandre, les universités et le gouvernement flamand cofinancent des bourses pour chercheurs à risque depuis 2021. À l’ULB, des bourses de solidarité sur fonds propres ont permis d’accueillir, depuis 2016, une vingtaine d’universitaires contraints de s’exiler. Ces initiatives gagneraient à être encore développées et de nouvelles pistes à être explorées. Surtout, elles doivent être accompagnées d’une réflexion et d’une reformulation du rôle fondamental de la science et de la liberté académique dans nos sociétés.Vanessa Frangville, professeure à l'ULB et directrice de EASt (East Asian Studies)