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Jean-Benoît Pilet

Conseil européen de la recherche : le politologue Jean-Benoit Pilet primé

Chercheur au Cevipol, Jean-Benoit Pilet a décroché un Consolidator Grant du Conseil européen de la recherche. Cinq années pour étudier les nouvelles formes de démocratie qui impliquent des experts ou des citoyens non élus.

Dans l'entrée du Centre d’étude de la vie politique, Cevipol, trois lettres en ballons dorés accueillent le visiteur : E, R, C. Un clin d’oeil de ses collègues à Jean-Benoit Pilet, nouvel ERC Consolidator Grant de la Faculté de Philosophie et Sciences sociales. « Même si je suis le récipiendaire, cette bourse du Conseil européen de la recherche est le fruit d’une réflexion collective et le projet sera mené en équipe » prévient-il. À la rentrée prochaine, lorsque 4 ou 5 chercheurs auront été recrutés et qu’il aura quitté la présidence du Département de Sciences politiques, la recherche pourra pleinement démarrer. « Pendant ces quatre ans de présidence, j’ai travaillé sur des questions d’enseignement, des aspects plus administratifs en Faculté ; maintenant, je vais pouvoir consacrer les cinq prochaines années à ma recherche ERC. C’est intéressant d’avoir plusieurs activités au cours d’une carrière, de découvrir différentes facettes de l’Université » précise-t-il.

EXPERTS/CITOYENS

Intitulé CureOrCurse, son projet interroge : les nouvelles formes de démocratie visant à déléguer des compétences politiques à des experts ou à des citoyens tirés au sort constituent-elles un remède ou un fléau pour la démocratie ? Une question qui s’inscrit dans la continuité de son travail tout en ouvrant la focale… « Depuis ma thèse de doctorat, je m’intéresse à la manière de faire fonctionner et évoluer la démocratie représentative électorale. Avec l’ERC, je sors de ce modèle pour en explorer d’autres que mettent en place les autorités et évaluer s’ils vont réconcilier les citoyens avec la politique ou au contraire creuser le fossé » explique Jean-Benoit Pilet qui est aussi impliqué avec sa collègue Émilie van Haute, dans un projet EOS (Excellence of Science) sur la relation entre le ressentiment démocratique populaire et le fonctionnement du système de représentation.

Depuis ma thèse de doctorat, je m’intéresseà la manière de faire fonctionne ret évoluer la démocratie représentative électorale

EN RÉSEAU

Ces projets vont se nourrir mutuellement. « Ma vision de la recherche est celle d’un travail collectif et international. D’ailleurs, comment faire autrement ? Mes travaux s’appuient notamment sur des analyses de données, des enquêtes et des comparaisons entre situations et pays, ils doivent être menés en réseau souligne-t-il. La plupart de mes articles, et certainement les meilleurs, sont d’ailleurs signés avec des collègues belges et étrangers ». Et de poursuivre : « Je suis plus à l’aise avec des protocoles expérimentaux, la robustesse d’un grand nombre d’observations et d’analyses statistiques qu’avec l’analyse de textes de philosophie politique ou des entretiens qualitatifs. Ce qui est aussi intéressant, c’est de dialoguer avec des collèges qui adoptent d’autres approches pour s’enrichir mutuellement ; le Cevipol favorise cette liberté et cette diversité ».

ENTRER EN POLITIQUE ?

Esprit cartésien, plutôt flegmatique, Jean-Benoit Pilet n’envisage pas un instant de traverser le miroir et s’engager en politique. « Je veux garder ma liberté de ton de chercheur et son utilité ; je ne me sens pas non plus l’envie ou la capacité d’être un généraliste qui intervient dans des matières diverses ; et puis, le rythme politique est tellement fou » confie celui qui a choisi de séparer nettement vie professionnelle et vie familiale, notamment en mettant quelque 60 kilomètres entre les deux. Et de conclure, « Je vis à Namur et même si être naveteur, ce n’est pas toujours reposant, je suis content d’avoir mis cette distance pour être pleinement avec mon épouse et nos deux enfants, Lucile (10 ans) et Timeo (8 ans). Je travaille beaucoup mais j’ai la liberté d’organiser mon temps ; c’est un luxe du métier de chercheur que j’apprécie ». Du temps notamment pour taper la balle au minifoot ou au squash ; voir un spectacle de ses enfants ou aller à un concert rock, vestige de ses amours de jeunesse même si, « j’écoute moins de métal qu’à l’adolescence » sourit le chercheur.

DE L’ÉTUDIANT EN SCIENCE PO’ AU PROFESSEUR

La politique, Jean-Benoit Pilet a grandi avec dans la maison familiale namuroise, aux côtés d’un père mandataire local. A 18 ans, sans trop d’hésitation, il s’inscrit en sciences politiques aux FUNDP, puis à l’UCL. « Non pas pour faire de la politique mais pour la comprendre, la disséquer » se souvient-il.

Diplômé, attiré par la recherche, il obtient une bourse de doctorat à l’ULB et entame une thèse sous la direction de Pascal Delwit, au Cevipol. Celle-ci défendue, il devient chargé de recherche FNRS et poursuit ses travaux dans les universités d’Oxford, Montréal et KULeuven où il noue les premiers contacts avec lesquels il continue à collaborer. Quinze ans plus tard, nommé professeur à l’ULB, comment voit-il son rôle ? « Ce n’est pas à moi à dire la bonne politique est celle-là ; mais bien Si vous voulez atteindre tel objectif, voilà comment faire; mon rôle est d’alimenter le débat public, d’enrichir la décision politique à partir d’une base scientifique et de contrer ainsi des affirmations autoritaires, vides de sens, qui m’énervent telles que le peuple veut que… » conclut-il.

Mis à jour le 22 janvier 2019