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L’IA et l’emploi: entre disparition et transformation

Publié le 8 avril 2025 Mis à jour le 15 avril 2025

L’intelligence artificielle va-t-elle bouleverser l’emploi ? Faut-il craindre une vague de destruction massive ou, au contraire, saluer une révolution productive ? Pour Nicolas van Zeebroeck, professeur à la Solvay Brussels School of Economics and Management, les débats sur l’IA souffrent d’un manque de nuances. Loin des discours catastrophistes ou techno-enthousiastes, il propose une analyse centrée sur les rythmes d’adoption et les effets différenciés selon les contextes.

Une adoption réelle… mais inégalement répartie

Si l’adoption de l’IA par les individus semble rapide – ChatGPT en est un exemple emblématique –, son intégration dans les organisations est plus lente et différenciée. « Dans les entreprises, les usages sont encore limités. Ce sont surtout les grandes structures qui déploient des outils d’IA générative », observe Nicolas van Zeebroeck. Les PME, en particulier les plus petites, n’ont pas encore sauté le pas. Loin d’un raz-de-marée technologique, on observe une montée en puissance progressive, freinée par des contraintes économiques, organisationnelles ou réglementaires.

Des gains de productivité ponctuels, pas encore globaux

L’impact sur la productivité varie fortement selon les tâches. « On voit des gains importants, notamment dans des secteurs comme le développement informatique. Mais l’effet sur la productivité globale reste, pour l’instant, modeste », nuance-t'il. Pour produire un effet systémique, l’IA ne peut être un simple outil greffé aux pratiques existantes : elle nécessite une transformation profonde des modèles d’affaires et des processus.

L’IA transforme plus qu’elle ne remplace

Contrairement à l’idée d’une substitution massive des travailleurs, l’IA redéfinit les contours des métiers. « On assiste à une déspécialisation de certaines tâches. Des choses qui demandaient autrefois une expertise pointue deviennent accessibles grâce à l’IA. » Cette commodification de certaines compétences ne signifie pas pour autant la disparition des métiers, mais leur reconfiguration. Certaines fonctions disparaissent, d’autres apparaissent – comme à chaque révolution technologique.

Une transformation qui exacerbe les inégalités

L’un des enjeux majeurs soulevés par l’IA est la redistribution inégale des effets : « Les technologies bénéficient surtout aux plus qualifiés, tandis que les autres voient leur position fragilisée », rappelle Nicolas van Zeebroeck. Ce phénomène de polarisation n’est pas nouveau, mais l’IA risque de l’accentuer. Cela pose la question cruciale de l’accompagnement : par la formation, par les politiques publiques, mais aussi par une réflexion éthique sur les choix technologiques.

Un tournant structurel

Plutôt que de raisonner en termes de suppression ou de création nette d’emplois, il faut, selon le chercheur, penser en termes de transformation structurelle. Les métiers changent, les compétences attendues évoluent, et les frontières entre humains et machines sont redessinées. L’enjeu n’est pas tant l’outil que l’usage qui en est fait : « Tout dépendra de la manière dont les entreprises et les travailleurs s’approprient ces technologies. »