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Découverte d'une toile gigantesque de 110 000 araignées

Publié le 21 novembre 2025 Mis à jour le 21 novembre 2025

L'info a été massivement partagée dans le monde : des scientifiques ont exploré une toile d’araignée souterraine de 100 mètres carrés – la plus grande connue – hébergeant pas moins de 110 000 araignées de deux espèces qui, étrangement, y cohabitent sans s’entre-dévorer. De quoi remettre en question nos connaissances sur le comportement social des araignées.

À la frontière entre l’Albanie et la Grèce, dans une grotte sulfidique (Sulfur Cave), une toile d’araignée gigantesque a été découverte : elle s’étend sur 100 mètres carrés. Pas moins de 110 000 araignées y vivent sans s’entre-dévorer. De quoi intriguer les scientifiques qui se sont penchés sur cette toile coloniale unique au monde.

Parmi eux, une équipe de l’ULB : Jean-François Flot (membre du Département de Biologie des Organismes, Faculté des sciences, ainsi que de l’(IB)² et du BLU), Zofia Głąbiak et Ninon Lecoquierre – respectivement stagiaire et doctorante dans son laboratoire – ont participé à l'étude de cette toile.

Les scientifiques ont observé que cette toile est bâtie par la tégénaire domestique (Tegenaria domestica), espèce commune dans toute l'Europe, y compris en Belgique, où on l'observe fréquemment dans les garages, caves et greniers. Mais alors qu'il s'agit normalement d'une espèce prédatrice et solitaire, dans Sulfur Cave, en revanche, cette même espèce bâtit une toile commune gigantesque. Elles sont quelque 70 000 araignées Tegenaria domestica à y cohabiter à quelques millimètres les unes des autres sans s’entre-dévorer. Encore plus étonnant, environ 40 000 individus d'une autre espèce d'araignée (Prinerigone vagans) s’y trouvent également.

Cette coexistence pacifique entre plus de 110 000 araignées de deux espèces différentes sur une même toile est unique en son genre et s'explique probablement par l'abondance de nourriture. En effet, la toile est située à proximité immédiate d'un ruisseau sulfidique à la surface duquel se multiplient des bactéries qui oxydent l'hydrogène sulfuré. Ces bactéries sont consommées par des larves de chironomes (petits moustiques) qui, lorsqu'elles se transforment en adultes, s'envolent et sont dévorées par les araignées. Une telle source d'énergie abondante est inhabituelle dans les grottes, qui sont généralement des milieux pauvres en énergie.

Au sein de cette étude, la contribution de l’équipe du professeur Jean-François Flot a porté sur deux points en particulier : le séquençage de l’ADN des tégénaires de Sulfur Cave (récoltées sur la toile mais aussi à proximité de l’entrée de la grotte), qui a montré que celles-ci sont distinctes génétiquement et constituent probablement une population isolée depuis des milliers d’années ; et le séquençage de leur microbiome, qui s’est révélé considérablement appauvri par rapport à celui d’une araignée de la même espèce échantillonnée à un kilomètre de là.

Cette étude remet en question les connaissances actuelles sur le comportement social des araignées et souligne la nécessité d’une protection de Sulfur Cave, seul endroit connu au monde à héberger une telle toile coloniale multispécifique.