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Flux de carbone de la terre vers l’océan : les estimations du GIEC sont en dessous de la réalité
Une réévaluation des exportations mondiales de carbone de la terre vers l'océan révèle que celles-ci sont 20 % plus élevées que celles rapportées dans l'évaluation de 2021 du GIEC. Les résultats de cette recherche, publiée dans Nature Geoscience et coordonnée par Pierre Regnier – Faculté des Sciences – pour le Global Carbon Project, soulignent l'importance de la contribution du carbone fluvial au bilan carbone mondial.
Pourquoi est-ce important ?
Des estimations précises de la quantité de carbone globalement transférée des écosystèmes terrestres vers les océans sont nécessaires pour établir le bilan carbone de notre planète et prédire les changements climatiques à venir. « Les rivières apportent une contribution essentielle au flux terre-océan, mais les estimations précédentes varient considérablement, ce qui pose des problèmes non seulement aux scientifiques qui tentent de construire le bilan carbone mondial, mais aussi aux décideurs politiques qui s'appuient sur ces estimations pour faire des choix environnementaux éclairés », a déclaré le premier auteur de cette étude, Maodian Liu, Professeur assistant à l'Université de Pékin.
Qu'a-t-on découvert ?
Afin d'obtenir une meilleure estimation des flux globaux de carbone fluvial, les chercheurs ont compilé un ensemble de mesures de carbone fluvial contenant près de 700.000 observations. Cet ensemble de données d'observation a ensuite été combiné avec des approches de modélisation et des méthodes d'apprentissage machine pour développer une nouvelle estimation d'ensemble à haute résolution spatiale, qui augmente la précision et réduit l'incertitude des estimations des flux de carbone. Ils ont également estimé l'exportation mondiale de carbone via les eaux douces souterraines, ce qui avait été négligé dans les évaluations précédentes.
Nous avons constaté que l'exportation mondiale de carbone fluvial calculée par ce cadre (1 milliard de tonnes de carbone/an) est environ 20 % plus élevée que celle rapportée dans l'évaluation 2021 du GIEC. En outre, nous avons constaté que l'exportation par les eaux souterraines apporte une contribution mineure au budget mondial du carbone. Le premier auteur, M. Liu, a ajouté : « Au total, notre approche a permis de calculer que l'évaluation actuelle du GIEC sous-estime le flux de carbone de la terre vers l'océan de 240 millions de tonnes de carbone par an. En outre, les différents types de carbone fluvial diffèrent considérablement des évaluations précédentes ».
Qu'est-ce que cela implique ?
Une valeur plus élevée du flux de carbone de la terre vers l'océan obtenue ici suggère que le dégazage de CO2 océanique induit par ces rejets de carbone fluviaux est plus important qu'on ne le pensait auparavant. « Par conséquent, nos résultats révèlent que l'estimation du puits de carbone océanique anthropique (l'absorption du carbone des combustibles fossiles par l'océan) dérivée de millions de mesures de CO2 océanique est probablement sous-estimée. En effet, la détermination de l'absorption du carbone anthropique par l'océan nécessite de prendre en compte le dégazage naturel de CO2 (avant perturbation humaine) induit par la voie fluviale du carbone, dont notre étude révèle qu'il est plus important qu’indiqué dans le dernier rapport du GIEC », a déclaré Pierre Regnier, Professeur ordinaire au Département Géoscience Environnement & Société, service Biogéochimie et Modélisation du Système Terre – Faculté des Sciences -, coordinateur de la recherche (LOAC) pour le Global Carbon Project. Par conséquent, la quantification précise des flux de carbone de la terre vers l'océan permettra d'affiner les « modèles système Terre » du cycle couplé du carbone et du climat et d'élaborer des stratégies d'atténuation des émissions de carbone plus efficaces et plus ciblées.
Un point de vue corroboré par Xujia Jiang, Senior Editor pour Nature Geoscience : « Ce travail m'a frappé parce qu'il peut contribuer à affiner les estimations du carbone absorbé par les terres et les océans et donc à faire progresser notre compréhension du cycle global du carbone ».