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Karine Van Doninck: penser avec des artistes

Publié le 20 avril 2023 Mis à jour le 24 avril 2023

Karine Van Doninck est chercheuse en biologie évolutive, en Faculté des Sciences. Elle reçoit le Prix de la diffusion scientifique ULB - catégorie Sur Scène - pour l’exposition transdisciplinaire « Vol habité – Rotifères dans l’espace ».


Ce sont les plus petits animaux connus sur notre planète: les rotifères, qui mesurent moins d’un millimètre, sont des organismes omniprésents dans les mousses et les lichens, partout autour de nous. « Ils sont aussi ce qu’on appelle un scandale évolutif » explique Karine Van Doninck. « Il n’y a que des femelles qui se clonent, pas de mâles. Et pourtant, les rotifères bdelloïdes se sont diversifiés en plus de 400 espèces, dans des habitats très différents. C’est donc déjà tout un paradoxe puisque l’évolution se base sur la variation génétique qui nécessite normalement la reproduction sexuée. Les rotifères bdelloïdes remettent en question tous les manuels de biologie évolutive... Comment ces femelles ont-elles fait pour créer de la diversité sans mâles? C’est une des questions qu’on essaie de résoudre au sein de mon équipe ».

Femelles immortelles


Non contents de ne compter que des femelles, les rotifères fascinent aussi par leur capacité à se dessécher à n’importe quel stade de leur vie si l’eau vient à manquer dans leur environnement. « Les rotifères se replient en boule et peuvent survivre des années à cette dessiccation complète. Ils sont capables de protéger leurs protéines et de réparer leur matériel génétique endommagé, ce qui les rend en quelque sorte immortels. Ils survivent aussi à la congélation et à de hautes doses de radiation ionisante ». 

Autant de capacités hors norme qui peuvent intéresser la recherche appliquée, depuis la thérapie contre le cancer jusqu’à l’exploration spatiale. Depuis 2016, Karine Van Doninck collabore ainsi avec l’ESA (Agence spatiale européenne), ce qui a permis de mener des expériences scientifiques avec les rotifères dans l’espace... En 2017, la chercheuse obtenait une bourse du Conseil européen de la recherche (ERC) pour poursuivre ses recherches sur ce « scandale évolutif ».

Out of the box


« Dès que j’ai obtenu cette bourse prestigieuse de l’Europe, j’ai ressenti le devoir de partager nos résultats scientifiques avec le grand public car c’est lui qui, à travers ses impôts, investit dans la recherche fondamentale ». 

Karine Van Doninck a donc invité différents artistes - photographes, réalisateurs, sculpteurs, dessinateurs... - dans son laboratoire pour se familiariser avec le rotifère et ses capacités hors norme. Le compagnonnage avec les scientifiques a duré plusieurs années, donnant lieu à de multiples réalisations artistiques visibles lors de l’exposition qui s’est tenue au PILAR - House for Art & Science - de la VUB. 

« Les artistes sont des gens critiques qui, comme les scientifiques, osent penser out of the box. Ces collaborations, encore rares me semblent essentielles pour communiquer de manière ludique et attractive les découvertes fascinantes que nous faisons en laboratoire ».

Pour Karine Van Doninck, ce lien avec le grand public est rendu plus nécessaire encore par les crises sociales que nous traversons. « Cette expo a accueilli des milliers de visiteurs, soit bien plus que le nombre de lecteurs de n’importe quel article scientifique que j’ai publié ! » relève-t-elle. « Les bourses en recherche fondamentale devraient à mon avis prévoir un budget pour la diffusion scientifique. Le covid a amené les politiciens et le public à croire d’autant plus en la science, mais on ne doit pas attendre une pandémie pour montrer ce que nous faisons».