Une nouvelle étude synthétisant les émissions et captation de gaz à effet de serre au sein des écosystèmes côtiers du monde entier révèle que ces derniers constituent un puits net pour le dioxyde de carbone (CO2), mais que les émissions de méthane (CH4) et d'oxyde nitreux (N2O) compensent une partie de la captation de CO2. Cette étude a été menée par une équipe internationale de chercheurs coordonnée par la Southern Cross University en Australie et qui implique deux chercheurs du service « Biogeochemistry & Modelling of the Earth System » de l’Université libre de Bruxelles.
Un article publié récemment dans Nature Climate Change donne un nouvel aperçu du budget des gaz à effet de serre côtiers (CO2 + CH4 + N2O) dans dix régions du monde ainsi qu’à l'échelle globale.
Des lagons tropicaux aux fjords polaires en passant par les mangroves côtières et les communautés sous-marines de posidonies, de nombreuses zones littorales à travers le monde présentent une grande diversité en termes de captation et d'émissions de gaz à effet de serre.
Figure 1: Budget des gaz à effet de serre côtiers (CO2 + CH4 + N2O) exprimé en équivalent CO2 (en téragrammes d'équivalent CO2 par an) dans 10 régions du monde : l'Asie du Sud-Est (9), l'Amérique du Nord (1) et l'Afrique (4) sont d'importants puits de gaz à effet de serre côtiers. L'Amérique du Sud (2), l'Australasie (10) et l'Asie de l'Ouest (6) sont des puits de gaz à effet de serre côtiers modérés. L'Asie de l'Est (7) et l'Asie du Sud (8) sont des puits de gaz à effet de serre côtiers faibles, tandis que l'Europe (3) et la Russie (5) sont de faibles sources de gaz à effet de serre côtiers.
Credit: Figure d’après Rosentreter et al. (2023), Nature Climate Change, https://www.nature.com/articles/s41558-023-01682-9
"Comprendre comment et où les gaz à effet de serre sont émis et absorbés par les écosystèmes côtiers constitue une première étape importante pour la mise en œuvre de stratégies efficaces d'atténuation du changement climatique", déclare la Dr Judith Rosentreter, auteure principale de l’étude et chercheuse à la Southern Cross University.
"Par exemple, protéger et restaurer des habitats tels que les mangroves et les marais salants est une stratégie prometteuse pour renforcer la captation de CO2 par ces zones humides côtières."
D'autres actions telles que la réduction des apports en nutriments, en matière organique et en eaux usées dans les eaux côtières, peuvent aussi contribuer à réduire la quantité de CH4 et de N2O rejetée dans l'atmosphère.
L'équipe internationale de scientifiques a étudié dix régions différentes du monde : l'Amérique du Nord, l'Amérique du Sud, l'Europe, l'Afrique, la Russie, l'Asie de l'Ouest, l'Asie du Sud, l'Asie de l'Est, l'Asie du Sud-Est et l'Australasie (voir Figure 1).
Ils ont découvert que les plus grands puits de gaz à effet de serre côtier se trouvaient en Asie du Sud-Est en raison de ses vastes zones humides tropicales productives qui absorbent du CO2 ainsi qu’en Amérique du Nord, également caractérisé par de grandes zones de zones humides côtières ainsi que des fjords absorbant le CO2.
"Notre nouvelle recherche montre que les fjords du monde entier absorbent environ 40 % du CO2 qui serait autrement rejeté par les estuaires tidaux, les deltas et les lagons. La majeure partie (86 %) de cette importante absorption de CO2 par les fjords a lieu en Amérique du Nord, principalement au Groenland", déclare le Goulven Laruelle, co-auteur de l’étude et chercheur qualifié du FNRS à l’Université Libre de Bruxelles.
Le Dr Rosentreter ajoute que "D'autres habitats côtiers sont des sources de gaz à effet de serre. Par exemple, les zones humides côtières telles que les mangroves, les marais salants côtiers et les herbiers marins émettent plus de trois fois plus de CH4 que tous les estuaires du monde."
"Ce travail met en avant la nécessité de quantifier le mieux possible les surfaces de chaque type d’écosystème côtier afin de contraindre le mieux possible ce genre de budget." précise Goulven Laruelle.
Les zones humides côtières, également appelées écosystèmes "carbone bleu", peuvent simultanément être d’intenses puits de CO2 et, pour certaines, absorber du N2O, ce qui en fait un puits net de gaz à effet de serre pour l'atmosphère lorsque les trois gaz à effet de serre sont pris en compte.
"Notre nouvelle étude montre que lorsque nous considérons les trois gaz à effet de serre (CO2 + CH4 + N2O), huit des dix régions du monde sont des puits nets de gaz à effet de serre côtier ", met en avant le professeur Bradley Eyre, co-auteur de l’étude et professeur de biogéochimie à la Southern Cross University.
Ces résultats alimenteront les efforts du projet RECCAP2, réalisé dans le cadre du Global Carbon Project.
"Cette recherche a été lancée par le Global Carbon Project afin d'établir des bilans des gaz à effet de serre pour de grandes régions couvrant l'ensemble du globe, et pour lesquelles la contribution de ces écosystèmes côtiers restait à déterminer", déclare Pierre Regnier, co-auteur de l’étude et professeur en Sciences du Système Terre à l'Université Libre de Bruxelles