Lisa Ardoin : creuser la glace à la recherche de l’air du passé

A 40 kilomètres de la station Concordia, perdu à 1.000 kilomètres des côtes de l’océan Pacifique : Little Dome C, un camp de forage de glace, situé dans l’un des endroits les plus extrêmes de la planète, en plein Antarctique.

Construite pour le projet, cette station accueille depuis 2019 et pour une durée de sept ans, une quinzaine de scientifiques différents chaque année. Le projet Beyond EPICA, financé par la Commission européenne est aujourd’hui dans sa quatrième campagne de terrain.

 Objectif ? « Reconstruire les variations climatiques en continu depuis 1,5 million d’années » précise Lisa Ardoin. Cette chercheuse de 28 ans, spécialisée en glaciologie se trouvait sur place avec l’équipe en mission entre novembre 2024 et janvier 2025. « La glace est une des seules archives climatiques qui donne la composition directe de l’air du passé. Quand la neige se transforme en glace, elle piège l’air présent à ce moment-là… Ces bulles d’air enfouies dans la glace permettent de comprendre les variations climatiques qui ont eu lieu voilà 1,5 million d’années ». Des recherches capitales pour comprendre et anticiper les changements climatiques à venir.
 

 Filmer, partager sur les réseaux sociaux

 Dans le cadre de sa thèse, qu’elle mène sous la direction de François Fripiat, Lisa Ardoin a postulé pour participer à cette mission dont elle rêvait depuis longtemps. « J’ai toujours aimé les cailloux » s’amuse-t-elle. « C’est pourquoi, j’ai commencé mon parcours en France en étudiant la géologie, avant de faire un Erasmus en Norvège. Mon arrivée en Belgique était liée à mon intérêt pour mesurer les gaz piégés dans la roche, ce qui est aujourd’hui mon sujet de thèse... mais dans la glace ! ». Une passion qui lui a permis de bénéficier d’une bourse doctorale du programme européen MSCA, dans le cadre du projet européen DEEPICE.

 Dans la station Little Dome C, Lisa Ardoin a travaillé dans des conditions difficiles : un laboratoire à -35 voire -40°, une douche où il faut pelleter la neige… Mais les conditions complexes ne l’empêchent pas de saisir des images avec une caméra Gopro, dans l’idée de les diffuser sur les réseaux sociaux. La chercheuse est très investie dans la popularisation scientifique :

« Comme je viens d’un milieu qui n’est pas scientifique, j’ai toujours dû expliquer à mes proches ce sur quoi je travaillais » précise-t-elle.

 

 
Motiver à agir

 Elle participe ainsi au concours Ma thèse en 180 secondes ; elle réalise des vidéos explicatives pour le projet DEEPICE qui finance ses recherches ; elle partage encore activement son travail de laboratoire sur les réseaux sociaux :

« J’aime ramener du ludique dans les activités de laboratoire ; ça permet de casser cette image sérieuse qui peut parfois ne pas rendre accessible notre métier ».

La chercheuse a participé aussi à l’évènement Science is wonderful, réalisant avec d’autres doctorants et doctorantes une pièce de théâtre scientifique à destination des enfants.

 « Ce qui m’a poussée aussi loin dans la science, c’est d’avoir rencontré quelqu’un qui m’a passionnée très jeune : c’est super si je peux aussi être cette personne pour des plus jeunes, ainsi qu’un élément positif de représentativité des femmes dans le domaine scientifique… Il faut continuer à communiquer, pour motiver à agir, notamment dans le domaine du changement climatique, auquel notre travail est intrinsèquement connecté ».