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Peter Eeckhout: mobiliser contre la destruction de notre passé

Publié le 20 avril 2023 Mis à jour le 24 avril 2023

Peter Eeckhout est professeur au département histoire de l’art et archéologie et membre du CReA-Patrimoine, Centre de recherche en archéologie et patrimoine, en Faculté de Philosophie et Sciences sociales. Il reçoit le Prix de la diffusion scientifique – catégorie édition digitale ou papier – pour son ouvrage Patrimoine mondial en péril.

Notre siècle sera-t-il celui de la fin des ruines? Les risques qui pèsent sur de nombreux sites archéologiques mondiaux menacent également notre mémoire collective. Face à ce constat, Peter Eeckhout, a mené une enquête, entre archéologie et journalisme, pour remettre en lumière plus d’un vingtaine de sites historiques menacés, allant de Venise, Pompéi et Délos à Carthage, Angkor et Hyderabad.

Archéologue de terrain, spécialiste des civilisations précolombiennes, il conduit depuis les années 1990 les fouilles de l’ULB à Pachacamac, un site majeur du Pérou ancien, inscrit au patrimoine de l’UNESCO, également menacé et cité dans son ouvrage. Particulièrement investi dans une démarche de vulgarisation scientifique, il est depuis 2016 le présentateur et consultant scientifique de l’émission télévisée Enquêtes archéologiques, diffusée sur la chaîne Arte. « C’est par ce biais que j’ai été amené à écrire ce livre Patrimoine mondial en péril », explique Peter Eeckhout. « Mon objectif était d’expliquer pourquoi ces sites sont si importants et pourquoi il est crucial de les sauver ».

En écumant les publications scientifiques, mais aussi journalistiques, Peter Eeckhout a cherché à « parler du passé avec ce qu’il se passe au présent ». Loin d’être un réquisitoire, c’est un « témoignage de lanceur d’alerte » qu’il entend lancer.

« Des ressources non renouvelables »

« On ne le répètera jamais assez: les vestiges anciens sont uniques et leur nombre limité » rappelle l’archéologue. « Il s’agit de ressources non renouvelables, au même titre que les énergies fossiles ou les gisements de métaux. Mais, même si l’on pourra fonctionner à l’éolien ou au solaire, on ne pourra par contre jamais reconstituer les contextes archéologiques perdus ou dégradés et comprendre les sociétés anciennes dont les ruines sont les témoins ».

Les menaces sont nombreuses et diverses: destructions volontaires, pillage, pression de l’urbanisation, tourisme de masse, restaurations abusives, négligence et pollution, conséquences des changements climatiques ou enjeux politiques.

« A titre d’exemple, le gigantesque site archéologique d’Hasankeyf en Turquie a été détruit pour… la construction d’un barrage inutile » évoque Peter Eeckhout. « La grande pyramide de Gizeh, dans la banlieue sud de la ville du Caire, est assaillie par les touristes et menacée par la croissance urbaine… Le centre historique de Boukhara, situé sur la Route de la soie, en Ouzbékistan; le Machu Picchu au Pérou; Palmyre en Syrie… Ces sites et bien d’autres font face aujourd’hui à des dangers multiples qui vont jusqu’à la destruction pure et simple ».

En plus de 300 pages, l’archéologue décrit l’histoire de chacun de ces sites, tout en détaillant ce qui les menace. « Je suis convaincu qu’il ne peut y avoir de société sans ruines: elles sont une part de notre mémoire collective » explique-t-il. « Je suis également persuadé que cette diffusion, cette sensibilisation au patrimoine, est fondamentale pour susciter une prise de conscience. Plus le public se rendra compte combien le patrimoine est important, plus il sera conscient de l’importance de le préserver »!