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Retourner au travail après un cancer: enjeux et défis

Publié le 27 janvier 2025 Mis à jour le 3 février 2025

Infirmier de formation, Fréderic Hoerner a entamé une thèse sur les thématiques des transitions en oncologie, et plus spécifiquement sur le retour au travail après un cancer chez les personnes les plus vulnérables et précarisées. Il nous parle des résultats de sa recherche et de l'importance de l'encadrement des patients après un cancer.

Frédéric Hoerner (Ecole de Santé Publique) a choisi de consacrer sa thèse à une problématique souvent négligée : le retour au travail après un cancer. En combinant recherche et outils pratiques, il explore les obstacles auxquels font face les femmes atteintes d’un cancer en situation/à risque de précarité, et propose des solutions pour améliorer leur qualité de vie au travail. Cela inclut la diversité des situations professionnelles, la réintégration professionnelle, la reconversion professionnelle et de recherche d’emploi.

Frédéric Hoerner a décidé de réaliser sa thèse sur les thématiques des transitions en oncologie (de la santé à la maladie et de la maladie à la santé) , et plus particulièrement sur le retour au travail après un cancer : « On interroge peu les difficultés professionnelles. C'est complexe, cela concerne tellement d'environnements et de situations différentes. Il n'y a pas beaucoup de temps consacré à cela en milieu de soins. » constate-t-il.   

La recherche de Frédéric Hoerner se base sur trois axes complémentaires. Tout d’abord, le développement d’un outil de mesure de la qualité de vie au travail « Cet outil existe déjà aux Pays-Bas, et il ne pouvait pas être utilisé jusqu’ici en Belgique. La première partie de ma thèse consiste à traduire ce questionnaire de mesure en français et le valider pour pouvoir le rendre accessible à un public francophone », explique le chercheur. Cet outil sera testé sur les personnes atteintes d’un cancer, hommes et femmes, tous types de cancers confondus afin d’être valide pour l’ensemble de la population francophone atteinte d’un cancer.

Le deuxième axe aborde la caractérisation des trajectoires professionnelles et en combinant, lorsque cela est possible, le questionnaire de qualité de vie au travail. « Je vais rencontrer en priorité des femmes atteintes d'un cancer. Je vais me concentrer sur les femmes à risque de précarité ou en situation de précarité. L’objectif est de pouvoir, à travers des entretiens successifs, qu'on appelle des récits de vie, identifier les difficultés, les carences, et les apports que l’on peut mettre en place. » Le retour au travail consiste parfois en une reconversion professionnelle : « C’est quelque chose de relativement peu suivi », explique Frédéric Hoerner, « il est important d’étudier le parcours que prennent ces personnes qui changent de profession. Parfois de manière totalement volontaire, parce que la maladie a donné d'autres aspirations. Parfois de façon nécessaire, parce qu’elles ne savent plus faire exactement les mêmes activités », précise le chercheur.

Enfin, le dernier axe concerne l’application des savoirs acquis lors des étapes précédentes dans le cadre de l’entreprise ou du moins l’environnement professionnel :  « Les problématiques des personnes atteintes de cancer demeurent épineuses en entreprise On traverse différents environnements : l'environnement hospitalier, personnel et de travail. La Santé publique a cette chance de pouvoir faire des ponts entre les environnements. » explique Frédéric Hoerner. « Le but est de venir en entreprise afin de voir comment on peut les aider à être plus inclusifs et à comprendre davantage la diversité des parcours et des besoins. » 

Des obstacles multifactoriels  

Toutes les personnes qui ont eu un cancer n’ont pas forcément de difficultés à retourner au travail : « Je teste le questionnaire actuellement et j'ai souvent des personnes, des femmes comme des hommes d'ailleurs, qui vont très bien et qui complètent le questionnaire avec des scores tout à fait convenables. C'est important d'avoir leur retour aussi » explique-t'il. En revanche, pour d’autres personnes, cela peut être une étape difficile pour diverses raisons : perte de sens, manque de support, effets secondaires, difficultés à retrouver ses capacités… Ces facteurs méritent également d’être pris en compte. 

Des manques à combler 

Bien que la parole autour de la maladie se libère progressivement, il reste encore des lacunes à combler : « Il est important de croiser les perspectives entre le milieu hospitalier, le vécu  des personnes dans leur propre environnement, et celui des entreprises. Nous devons avancer ensemble et converger vers des solutions coconstruites. L'apport sociétal réside dans le fait de créer des ponts, mais surtout de les traverser » conclut Frédéric Hoerner.

Frédéric Hoerner est fréquemment marqué par des rencontres, il est souvent touché par des témoignages qui donnent un sens profond à sa recherche : « Une personne qui a rempli le questionnaire m’a expliqué le calvaire qu'elle vivait au travail. Un sujet qu'elle n'avait jamais évoqué en pensant que l'hôpital n'était pas le lieu approprié. Cela m'a confirmé que ces recherches sont cruciales, avec un réel potentiel pour identifier les problèmes et offrir un soutien et une intégration adéquats. » 

Bien que diverses étapes restent encore à franchir, notamment dans le milieu de l’entreprise d’entreprise, Frédéric Hoerner, envisage déjà l’avenir : « J'aimerais bien faire un partage d'expériences d'ici deux ans, de tous ces savoirs et ces récits de vie. À travers des workshops, je souhaiterais rencontrer divers professionnels, patients et leurs représentants et diffuser ces apprentissages avec le plus grand nombre. » En combinant recherche, témoignages et implémentation, Frédéric Hoerner aspire à bâtir des passerelles durables entre les mondes médical, individuel et professionnel, et démontrer la nécessité d’accompagner les personnes dans leurs trajectoires professionnelles après un cancer.