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Thomas Lavachery

De Bjorn à Tor en passant par l’Île de Pâques : les vies de Thomas Lavachery

« Bjorn le Morphir, c’est lui ! » pourrait-on écrire, en paraphrasant (à la place de l’auteur) Flaubert. Le romancier Thomas Lavachery - un Ancien de l’ULB - , a reçu en 2018 le Grand Prix triennal de Littérature de jeunesse pour l’ensemble de son œuvre. Boulimique de créativité, il multiplie les aventures éditoriales… et s’amuse en travaillant ! Rencontre chez lui, derrière le bois de la Cambre, à deux enjambées (de géant) du Solbosch...

Il vous accueille dans son petit bureau, du haut de ses presque 2 mètres, en vous donnant l’impression qu’il risque à tout moment de renverser l’une ou l’autre statuette posée ça ou là, dans le désordre ambiant… Mais malgré l’impression première, la pièce est plutôt bien organisée et l’homme du genre posé. À sa table de travail, un plan et de la documentation pour son projet en cours. On sent que l’artiste y a ses petites habitudes pour créer, écrire, dessiner, réfléchir. Au mur, des tapisseries, dessins et quelques figurines, des masques mélanésiens…

CASE DÉPART

Tout commence par la BD. Lecteur féru des albums de l’Époque dorée de la BD belge, Thomas Lavachery prend bien vite la plume et plonge dans l’encre de Chine à son tour. Il rencontre Peyo, Morris, Tibet… Il leur montre ses dessins, leur demande conseil. Albert Blesteau et Daniel Kox (auteurs chez Spirou), qui habitaient à deux pas de chez lui, lui assurent un compagnonnage et l’aident à devenir professionnel. Il publie alors ses premières planches dans le journal « Tintin ». Plus tard, il aura l’honneur d’adapter la série « Téléchat » de Roland Topor. Il a alors 18 ans. C’est l’époque ou Thomas Lavachery fréquente Alligator Films, où il sera ensuite conseiller littéraire.

L’ÎLE DE PÂQUES À L’HORIZON

« Le plaisir de lire des romans est venu relativement tard, vers mes 16-17 ans, et ça a tout balayé ! » explique-t-il. Exit alors la BD, Thomas Lavachery s’escrime avec les mots, qu’il dompte tant bien que mal en se cherchant encore, sans trop savoir où tout cela le mènera. « Je ne me sentais pas encore capable d’écrire et d’être à la hauteur… C’est alors que mon oncle, Jean Claude Falmagne, un scientifique psychologue mathématicien de renommée internationale, m’a suggéré de faire l’Unif ! J’ai tout de suite pensé à l’Histoire de l’Art » précise-t-il. Et ce n’est sans doute pas un hasard : son grand-père, figure mythique dont la photo orne un des murs du bureau, a été conservateur en chef du Musée du Cinquantenaire, a participé à l’expédition scientifique à l’île de Pâques dans les années 30. C’est lui qui ramena à la Belgique « son » Moaï (exposé encore récemment au Cinquantenaire), ou encore la fameuse statuette Chimu qui inspira Hergé pour « L’Oreille cassée » ! Le virus de l’aventure était donc dans les gênes. L’amour pour les civilisations anciennes aussi et surtout pour les arts non européens. L’île de Pâques, il s’y rendra, beaucoup plus tard, histoire de rendre hommage à cet aïeul pas comme les autres, retraçant le parcours scientifique et l‘aventure humaine de l’expédition franco-belge de 1934. « Je l’ai peu côtoyé, car il est mort quand j’avais six ans, mais il n’est jamais loin de moi… Je lui ai consacré mon mémoire de licence, j’ai écrit un livre et tourné un film sur son parcours de vie » souligne l’auteur, entre pudeur, émotion et sentiment de fierté.

À L’ULB

De son passage à l’Université, il conserve un souvenir passionné teinté d’affection : « J’ai beaucoup aimé les cours ; j’y ai cotoyé des orateurs hors-pair : Raoul Tefnin pour l’Histoire égyptienne, Paul Philippot pour le Moyen Âge, et bien sûr Luc de Heusch en Anthropologie, qui donnait son cours sans lire une seule note, avec brio. Mais celui dont j’ai gardé le plus grand souvenir et avec lequel j’ai noué des sentiments d’amitié, c’est Michel Graulich, qui donnait les cours sur les Arts précolombiens ».

PRATIQUES DE L’ÉCRITURE

Il y retournera, à l’Université. Pour y enseigner des cours d’écriture de fiction, cours qu’il donne encore actuellement, à l’Université de Lille 3. « Il s’agit d’un séminaire d’initiation à l’écriture créative à destination de personnes qui se destinent aux métiers du livre : libraires, éditeurs, etc. C’est un cours que j’ai eu le grand plaisir de mettre sur pied de A à Z. J’aime beaucoup aussi l’échange avec le public en général ». Échange qu’il pratique régulièrement à l’occasion de rencontres ou de lectures, comme dernièrement à la Bibliothèque Maurice Carême d’Anderlecht.

VIES PARALLÈLES

L’écriture viendra après l‘Université, mais pas tout de suite. Il devient d’abord « script doctor », lecteur de scénarios, coréalise ensuite un premier film anthropologique sur une ethnie chinoise, les Mosos, aux mœurs sexuelles très libres, puis un second sur son grand-père avant de donner vie à ce fameux Bjorn le Morphir et de lui dessiner un avenir à travers les mots.

BJORN ET LES AUTRES

« Je raconte souvent cette anecdote, mais elle est vraie : c’est mon fils, Jean (il avait alors neuf ans) qui me réclamait une histoire de trolls et de dragons – la « Fantasy » n’était pas ma tasse de thé comme lecteur, faut-il le préciser, même si j’avais lu quelques sagas bien sûr – mais cette première ‘commande’ de mon fils m’a permis d’imaginer un personnage original et de coucher sur papier un héros déjà testé, sculpté, ‘poli’ lors des nombreuses versions racontées à mon fils ». Le reste a suivi : 15 ans d’aventures pour Bjorn et autant d’autres aventures pour Thomas Lavachery, qui a ce besoin viscéral de prendre d’autres chemins de la création, en parallèle : adaptations BD, romans pour adultes ou ados… Ses romans le font aujourd’hui voyager. Bjorn est traduit en chinois et il lui arrive d’aller au bout du monde pour rencontrer ses lecteurs. Puis de retrouver son petit bureau, pour nous faire voyager à notre tour. Deux livres vont sortir très bientôt : une aventure de Tor (dont c’est le 4e épisode) et un roman intitulé « Rumeur » qui traite de la calomnie et est destiné aux grands ados. « Je prépare actuellement un roman qui se passera au Moyen Âge… » ajoute-t-il. Il est déjà l’heure de quitter Thomas Lavachery et son petit bureau. La porte à peine fermée, on imagine ses personnages y prendre vie et l’obliger à se remettre à sa table.

Mis à jour le 5 novembre 2019