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À la recherche de glace vieille de plusieurs millions d’années : des scientifiques belges reviennent d’Antarctique avec de premières pistes prometteuses

Publié le 27 janvier 2025 Mis à jour le 27 janvier 2025

Des scientifiques belges de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et de la Vrije Universiteit Brussel (VUB) reviennent d’une expédition en Antarctique à proximité de la station Princesse Elisabeth, avec des échantillons de glace bleue et des données susceptibles de les guider vers des glaces vieilles de plusieurs millions d’années, offrant ainsi des informations précieuses sur l’évolution du climat terrestre dans le passé.

Cette mission a été financée par la Politique scientifique fédérale belge (BELSPO) et le projet QUOI (Quest for the world’s oldest ice) de l’Université libre de Bruxelles, avec le soutien logistique de la Fondation polaire internationale (IPF), mandatée par le Secrétariat polaire belge pour gérer la station Princesse Elisabeth, première station de recherche zéro émission au monde. L’équipe scientifique du projet FROID (Finding the world’s oldest ice record around the Princess Elisabeth Station) a mené une campagne sur le terrain de décembre 2024 à début janvier 2025 dans la région de glace bleue de Nils Larsen, près des montagnes Sør Rondane.

Composée de Maaike Izeboud (VUB), Étienne Legrain (ULB/VUB), Veronica Tollenaar (VUB) et Harry Zekollari (VUB), l’équipe a bénéficié du soutien sur le terrain de François Pallandre (guide IPF) et Nicolas Grosrenaud (technicien IPF). Leur travail a consisté à forer des carottes de glace peu profondes pour déterminer l’age de la glace, prélever des échantillons en surface, installer des piquets pour mesurer la perte de glace en surface et collecter des données radar pour évaluer l’épaisseur de la glace. Ces analyses visent à identifier les zones contenant les glaces les plus anciennes, en prévision de forages futurs pour récupérer des échantillons datant de plusieurs millions d’années.

« L’Antarctique est recouvert d’une calotte glaciaire, et plus on descend dans la glace, plus elle est ancienne », explique le Pr Harry Zekollari. « Les bulles d’air emprisonnées dans la glace, formées lorsque la neige tombée à la surface s’est progressivement transformée en glace, nous renseignent sur la composition passée de l’atmosphère et, par conséquent, sur le climat d’il y a plusieurs centaines de milliers, voire plusieurs millions d’années. »

Les glaces les plus anciennes de l’Antarctique se trouvent à la base de la calotte polaire, là où elle repose sur le socle rocheux du continent. Des expéditions scientifiques internationales précédentes visant à prélever des carottes de glace en profondeur pour trouver la glace la plus ancienne ont permis de remonter des centaines de milliers d'années dans l'histoire du climat. La plus connue de ces expéditions est le projet EPICA (European Project for Ice Coring in Antarctica), qui a permis de prélever une carotte de glace datant de 800 000 ans au Dôme C, l'un des points les plus élevés de l’antarctique. Récemment, dans le cadre d'un autre projet de forage profond (Beyond EPICA), auquel le laboratoire de Glaciologie de l’ULB participe, de la glace datant de plus de 1,2 million d’années a été récupérée. Cependant, ces projets nécessitent de forer plusieurs kilomètres dans la calotte glaciaire, une méthode complexe, coûteuse et chronophage.

Le projet FROID adopte une approche différente. « Nous tirons parti des zones de glace bleue », explique la Dr Veronica Tollenaar. « La calotte polaire s'écoule lentement du centre du continent vers ses côtes sous l'effet de la gravité. Lorsque la glace s'approche des montagnes, dans les zones de glace bleue, la glace du fond de la calotte polaire est poussée vers la surface. Cela facilite l’accès aux glaces les plus anciennes sans avoir à forer des kilomètres de profondeur. »

Lors de cette campagne, l’équipe a foré 15 carottes peu profondes, prélevé plus de 1000 échantillons de surface et réalisé 200 km de transects (coupes) radar. Les échantillons de glace sont actuellement en route pour la Belgique, où ils seront analysés dans les laboratoires des universités participantes.

Le camp de base du projet FROID était situé à 2300 mètres d’altitude, dans la région de glace bleue de Nils Larsen, à environ 50-60 km de la station Princesse Elisabeth.

L’équipe a observé un phénomène surprenant durant sa mission.

« Nous avons découvert un lac liquide en surface, ce qui est très rare en Antarctique, surtout à cette altitude », rapporte la Dr Maaike Izeboud. « Cependant, il y a eu plusieurs journées chaudes en décembre avec des températures élevées, une fonte de la surface a donc potentiellement formé ce lac. Nous devons maintenant modéliser le bilan de masse de surface pour comprendre à quel point cet événement est exceptionnel. »

Un autre moment marquant fut une visite inattendue, juste avant la nouvelle année.

« La veille du Nouvel An, plusieurs skuas antarctiques, de grands oiseaux marins qui vivent généralement près des côtes, nous ont rendu visite », raconte le Dr Etienne Legrain.  « Henri Robert, l'agent de liaison scientifique de l'IPF, qui est également biologiste, nous a expliqué qu'il était normal que les skuas parcourent parfois plusieurs centaines de kilomètres pour se reproduire en petit nombre dans les montagnes de Sør Rondane, mais nous étions tout de même étonnés de voir une forme de vie après tant de jours passés sur le terrain ! »

Le projet FROID prévoit de retourner en Antarctique pour une deuxième campagne de terrain pour la saison de recherche 2026-27.

 

À propos de l’International Polar Foundation (IPF)

L’IPF est une fondation d’utilité publique créée en 2002 par Alain Hubert avec des personnalités scientifiques du monde académique. Sa mission est de soutenir la recherche scientifique polaire internationale. Elle est également à l’initiative de la station antarctique Princesse Elisabeth, première station « zéro émission », en vue de préserver la présence antarctique belge et d’en poursuivre l’ambition au service des citoyens confrontés aux défis climatiques et environnementaux.

Contacts scientifiques

François Fripiat – Responsable des projets FROID et QUOI (ULB, francois.fripiat@ulb.be)

Maaike Izeboud – Scientifique de terrain (VUB, maaike.izeboud@vub.be)

Étienne Legrain – Scientifique de terrain (ULB/VUB, etienne.legrain@ulb.be)

Veronica Tollenaar – Scientifique de terrain et co-responsable du projet FROID (VUB, veronica.tollenaar@vub.be)

Harry Zekollari – Scientifique de terrain et co-responsable du projet FROID (VUB, harry.zekollari@vub.be).

Contact presse IPF

Joseph Cheek (e-mail : jcheek@polarfoundation.org)