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Nouvelle étude sur l’origine géographique des virus de chauve-souris ancêtres des virus responsables du SRAS et de la COVID-19

Publié le 7 mai 2025 Mis à jour le 7 mai 2025

Une nouvelle étude publiée ce mardi 7 mai 2025 dans la revue scientifique Cell révèle que le SARS-CoV-2 (virus responsable de la COVID-19) est arrivé trop rapidement à Wuhan en Chine pour que ses espèces hôtes, des chauves-souris, puissent l’y avoir transporté – un schéma de dispersion cohérent avec celui du SARS-CoV-1 à l’origine de l’épidémie de SRAS de 2002.

L’ancêtre du virus responsable de la COVID-19 a quitté son point d’origine, situé à l’ouest de la Chine ou le nord du Laos, quelques années seulement avant l’apparition de la maladie chez l’homme 2700 kilomètres plus loin, en Chine centrale. C’est ce qu’indiquent les résultats publiés dans une nouvelle étude co-menée notamment par des chercheurs de l’Université de Californie à San Diego, de l’Université de Glasgow, de l’Université d’Arizona, de l’Université libre de Bruxelles et de la KU Leuven. Ce délai est insuffisant pour que le virus ait été transporté jusqu’à Wuhan par la dispersion naturelle de son hôte principal, les rhinolophes, aussi appelées chauves-souris « fer à cheval ». Les chercheurs en concluent que le virus aurait plutôt été acheminé là-bas avec d'autres animaux via le commerce d'espèces sauvages, ce qui correspond à ce qui s'est produit lors de l'épidémie de SRAS en 2002.

Les rhinolophes sont les principaux hôtes des sarbecovirus; des virus qui ne nuisent pas à ces espèces de chauves-souris. On pense qu’ils ont fait le saut vers l’homme par le biais d’événements de « spillover » zoonotique, c’est-à-dire des événements de transmission entre une population animale et la population humaine. Les sarbecovirus ont donné naissance à des coronavirus responsables chez l’homme d’un syndrome respiratoire aigu sévère, notamment le SARS-CoV-1, le virus à l'origine de la pandémie de SRAS de 2002-2004, et le SARS-CoV-2, le virus à l'origine de la pandémie de COVID-19. La manière dont ils sont arrivés là où ces événements de transition vers la population humaine se sont produits et l'implication d'animaux autres que les chauves-souris font toutefois toujours l'objet de débats.

Pour clarifier ces questions, les chercheurs ont analysé l'arbre généalogique des souches virales du SARS-CoV-1 et du SARS-CoV-2 à l'aide de données de séquences génomiques disponibles en ligne, ce qui a également permis de cartographier leur histoire évolutive à travers l'Asie avant leur émergence respective dans la population humaine. Ces analyses ont cependant été rendues compliquées par le fait que ces virus à ARN subissent une importante recombinaison au sein de leurs hôtes chauves-souris, échangeant ainsi du matériel génétique.

« Lorsque deux virus différents infectent la même chauve-souris, il arrive que ce qui en ressort soit un amalgame de différents fragments de ces deux virus » explique Joel Wertheim, co-auteur de l’étude et professeur à la Faculté de Médecine de l’Université de Californie à San Diego. « La recombinaison complique notre compréhension de l'évolution de ces virus, car elle entraîne des histoires évolutives différentes pour différentes parties du génome. »

Les chercheurs ont contourné ce problème en identifiant toutes les régions non recombinantes des génomes viraux et en les utilisant pour recréer l'histoire évolutive de ces virus. L'étude a notamment révélé que les sarbecovirus apparentés au SARS-CoV-1 et au SARS-CoV-2 circulent dans l'ouest de la Chine et en Asie du Sud-Est depuis des millénaires et que, durant cette période, ils se sont dispersés à des vitesses similaires aux vitesses de dispersion de leurs espèces hôtes, les rhinolophes.

« Les rhinolophes ont une zone de recherche de nourriture estimée à environ 2-3 km et une capacité de dispersion similaire à la vitesse de diffusion que nous avons estimée pour les sarbecovirus apparentés au SARS-CoV-2 », explique Simon Dellicour, co-auteur de l’étude et directeur du Laboratoire d'épidémiologie spatiale de l'Université libre de Bruxelles (ULB) ainsi que professeur invité à la KU Leuven.

En revanche, l'analyse a également révélé que les ancêtres viraux les plus récents du SARS-CoV-1 et du SARS-CoV-2 ont quitté leur point d'origine moins de dix ans avant d’être pour la première fois détectés dans le cadre d’infections humaines à plus de 1000 kilomètres de là.

« Nous montrons que le SARS-CoV-1 original circulait en Chine occidentale un à deux ans seulement avant l'émergence du SRAS dans la province du Guangdong, dans le sud de la Chine centrale, et que le SARS-CoV-2 circulait en Chine occidentale ou au nord du Laos cinq à sept ans seulement avant l'émergence de la COVID-19 à Wuhan », déclare Jonathan Pekar, co-auteur de l’étude ayant défendu sa thèse de doctorat en 2023 à la Faculté de Médecine de l’Université de Californie de San Diego et aujourd'hui post-doctorant à l'Université d'Édimbourg.

Les chercheurs ont calculé qu'étant donné les distances que le SARS-CoV-1 et le SARS-CoV-2 auraient dû parcourir si rapidement, il est hautement improbable qu'ils aient pu être transportés jusque-là par la dispersion des chauves-souris. Il est plus probable qu'ils y aient été transportés accidentellement par des marchands d'animaux sauvages via des espèces hôtes intermédiaires.

Des études antérieures ont d’ailleurs suggéré que le SARS-CoV-1 aurait été transmis de la province du Yunnan, dans l'ouest de la Chine, à la province du Guangdong par des civettes palmistes ou des chiens viverrins infectés, des animaux fréquemment commercialisés pour leur fourrure et leur viande. La présente étude fournit la preuve la plus solide à ce jour que le SARS-CoV-2 pourrait être arrivé dans la population humaine de manière similaire.

« Les virus les plus proches du coronavirus responsable du SRAS original ont été découverts chez des civettes palmistes et des chiens viverrins dans le sud de la Chine, à des centaines de kilomètres des populations de chauves-souris qui en étaient la source initiale », déclare Michael Worobey, co-auteur de l’étude, professeur et directeur du département d'écologie et de biologie évolutive de l'Université de l'Arizona. « Depuis plus de deux décennies, la communauté scientifique a conclu que le commerce d'animaux sauvages vivants était la façon dont ces centaines de kilomètres avaient été parcourus. Nous observons exactement le même schéma avec le SARS-CoV-2. »

Ces résultats remettent en cause une idée largement répandue selon laquelle le SARS-CoV-1 serait apparu naturellement, mais que le SARS-CoV-2 serait le résultat d’une fuite de laboratoire.

« Au début de la pandémie de COVID-19, on craignait que la distance entre Wuhan et le réservoir du virus chez les chauves-souris soit trop importante pour une origine zoonotique », déclare Joel Wertheim. « Cette étude montre que ce schéma n'est pas inhabituel et qu'il est en fait extrêmement similaire à celui de l'émergence du SARS-CoV-1 en 2002. »

Les événements de « spillover » zoonotique sont en augmentation partout dans le monde en raison de l'augmentation des interactions entre humains et animaux via le commerce d'espèces sauvages, ainsi que de l'urbanisation et de la destruction des habitats. Les chercheurs pensent qu'en continuant à échantillonner les populations de chauves-souris sauvages pour détecter les sarbécovirus qui y circulent, il pourrait être possible de découvrir l'origine de la prochaine pandémie de coronavirus. De plus, comprendre l'histoire évolutive de ces virus et d'autres agents pathogènes peut nous aider à nous préparer aux futures épidémies.

Parmi les autres co-auteurs de l'étude figurent Jennifer Havens et Yu Wang de l'Université de Californie à San Diego, Tetyana Vasylyeva de l'Université de Californie à San Diego et de l'Université de Californie à Irvine, Andrew Rambaut de l'Université d'Édimbourg, Spyros Lytras de l'Université de Tokyo et de l'Université de Glasgow, Joseph Hughes et David Robertson de l'Université de Glasgow, Mahan Ghafari et Aris Katzourakis de l'Université d'Oxford, Andrew Magee et Marc Suchard de l'Université de Californie à Los Angeles, Edyth Parker du Scripps Research Institute et de l'Université Redeemer, Xiang Ji de l'Université Tulane, Alice Hughes de l'Université de Hong Kong et de la Fondation chinoise pour le développement vert de la biodiversité, ainsi que Philippe Lemey de la KU Leuven.

L'étude a été financée en partie par les National Institutes of Health (subventions R01 AI135992, R01 AI153044, R01 AI162611, U19 AI135995 et T15LM011271), le Fonds National de la Recherche Scientifique (FNRS, Belgique; subvention F.4515.22), le Fonds voor Wetenschappelijk Onderzoek – Vlaanderen (FWO, Belgique; subventions G098321N, G0D5117N et G051322N), le projet MOOD Horizon 2020 de l'Union Européenne (convention de subvention n°874850) et le programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne (convention de subvention n°725422).

Contact scientifique :

Simon Dellicour, simon.dellicour@ulb.be
Laboratoire d’épidémiologie spatiale, Université libre de Bruxelles.

Lien vers l'étude

chauves-souris fer à cheval

Illustration : les chauves-souris fer à cheval sont l'hôte principal de l'ancêtre des virus qui ont causé l'épidémie de SRAS de 2002 et la pandémie de COVID-19, mais une nouvelle étude suggère que le commerce d'animaux sauvages a transporté le virus vers les endroits où ils sont apparus pour la première fois chez l'homme. Crédit : COVID-19, greater horseshoe bats, Raffaele Maiorano, CC0 1.0 via iNaturalist; SARS-CoV-2 virus, NAIAD, CC-BY-2.0; palm civet, Rejoice Gassah, CC BY 4.0 via iNaturalist.