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Construire des savoirs ensemble - L'interview de Marius Gilbert

Publié le 25 avril 2025 Mis à jour le 30 avril 2025

L’Université veut stimuler ses interactions avec la société, notamment à travers la recherche participative – une manière supplémentaire de produire des savoirs qui s’est structurée à l’ULB comme ailleurs. Rencontre avec le vice-recteur à la recherche et à la médiation scientifique.

« La recherche participative contribue à nourrir la confiance envers les savoirs. »
- Marius Gilbert, vice recteur à la recherche et à la médiation scientifique


En 2023, l’ULB accueillait une première journée sur la recherche participative et les sciences citoyennes; les organisateurs s’attendaient à recevoir une vingtaine de participants et participantes, ils furent quatre fois plus nombreux à s’inscrire. Cette première initiative fut l’occasion pour ces dizaines de chercheuses et chercheurs qui menaient des projets de recherche participative et/ou de sciences citoyennes d’échanger sur leurs pratiques scientifiques, qui restent encore relativement mal connues et isolées dans les universités. Leurs projets sont variés, tant dans les domaines des sciences exactes, de la vie et de la santé que dans celui des sciences humaines, et les niveaux d’intégration de la participation citoyenne le sont tout autant. Parfois, il s’agit de faire appel aux citoyens pour démultiplier les observations qui seront analysées par les scientifiques ; dans d’autres cas, les citoyens sont intégrés bien plus en amont dans la formulation de la question de recherche…

Depuis cette première rencontre, les projets se sont multipliés; et surtout, l’Université a mis en place conjointement avec la VUB, l’Openlab.brussels, un incubateur à projets participatifs où chacun peut trouver un accompagnement, une expertise, des méthodes et un espace de rencontre pour lancer son activité de recherche participative. 


Participer, renforcer la confiance, s'engager

Installé à USquare, l’Openlab.brussels  s’inscrit dans une politique plus vaste de l’Université, celle de stimuler les interactions avec la société, comme l’explique Marius Gilbert, vice-recteur à la recherche et à valorisation, et vice-recteur à la culture et à la médiation scientifique. « La société s’appuie sur trois grands piliers pour gérer les problèmes collectifs : la gouvernance, la citoyenneté ou les parties prenantes et le monde des savoirs et de l’expertise. Or, quand la confiance est rompue entre ces piliers, la société est paralysée, voire déraille. C’est ce qui se profile avec le complotisme et le populisme, ou la défiance du pouvoir envers le monde scientifique que l’on constate aux États-Unis. Les universités, productrices de savoirs, doivent renforcer cette confiance avec les citoyens. Pour cela, elles doivent dialoguer et partager leur démarche, leur expertise, les résultats de leurs recherches. La médiation scientifique est aujourd’hui devenue un enjeu démocratique. » Et de poursuivre : « La recherche participative est une forme de médiation : elle amène les citoyens à mieux comprendre les processus de la recherche en y participant directement. Elle va donc plus loin que la simple diffusion des connaissances ; elle contribue à construire une relation bilatérale entre l’Université et la cité. »

La recherche participative répond également à une volonté des chercheurs eux-mêmes, celle de mener des travaux qui s’ancrent dans des besoins très concrets de la société, tout en y apportant la rigueur de la démarche scientifique. « On retrouve dans ces projets une volonté que les recherches puissent permettre à la société de se transformer, s’améliorer, souligne le vice-recteur. Bien sûr, il faut rester attentif à ce que la recherche respecte l’indépendance de jugement et la démarche scientifique, mais cela n’a rien de différent avec d’autres pratiques de recherches menées en collaboration avec certaines parties prenantes, comme dans le domaine médical, par exemple.»


Structurer, baliser

Si elle existe depuis plusieurs années, grâce notamment à Innoviris (Région de Bruxelles-Capitale) – qui a lancé les premiers programmes « co-create », la recherche participative reste encore jeune et occupe une place un peu à part dans la communauté scientifique. Elle continue à se structurer ; définir des méthodes ; partager les expertises spécifiques telles que comment animer les discussions avec des citoyens co-chercheurs ? – ; répondre à des questions comme celle de la propriété intellectuelle – si une recherche est menée par des scientifiques et des citoyens, à qui appartiennent les résultats et qui les valorise  ?, par exemple. L’ Openlab.brussels contribue à ces réflexions et aide à poser ces jalons au sein de l’ULB et à travers l’Europe, notamment via le réseau CIVIS.

« L’Université est, depuis toujours, un lieu de production de savoirs. Cette production peut prendre différentes formes – recherche fondamentale, orientée, participative, etc.–, toutes sont importantes et nécessaires. Nous sommes attentifs à les soutenir et à laisser aux chercheurs et chercheuses la liberté de choisir les approches qui leur conviennent le mieux », conclut Marius Gilbert.

Nathalie Gobbe, Département de la communication et des relations extérieures