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12 mois 12 experts | Objectif Mars
Été 2020: plusieurs missions à destination de Mars devraient être lancées
En juillet et août 2020, Mars se rapprochera de la Terre. Une fenêtre de lancement importante pour les missions russo-européenne ExoMars 2020 et américaine Mars 2020, qui espère toucher le sol de la planète rouge courant 2021. Deux continents, deux missions, pour un but similaire.
En juillet et août 2020, les yeux des astronomes seront tournés vers Mars : notre planète voisine se rapprochera de la Terre, ouvrant une fenêtre de lancement pour toutes les missions à destination de la planète rouge. Le lancement du rover "Rosalind Franklin", de la mission russo-européenne ExoMars, et celui du rover américain "Mars 2020" (qui sera nommé par des collégiens américains) sont tous deux programmés pour l’été prochain.
Des approches différentes
Pilotée par l’Agence spatiale européenne (ESA), la seconde partie de la mission ExoMars a pour but de récolter des indices de vie sur Mars. Même chose pour le programme Mars2020 de la NASA, qui vise à rechercher des signes de conditions habitables et de vie microbienne dans un passé ancien de la planète.
Les approches sont pourtant différentes. Premier rover européen sur Mars, le Rosalind Franklin sera un véritable condensé de technologies. Le but des ingénieurs de l’ESA est de concevoir un petit laboratoire roulant, capable de réaliser des analyses sur place et d’envoyer les résultats sur Terre. Une méthode qui permettrait d’avoir des résultats rapidement et d’observer, par exemple, le cycle des saisons ou les quantités de rayonnements ionisants. Mais ce choix limite le nombre et la diversité des expériences embarquées dans le rover.
La stratégie de la NASA, en revanche, est de récolter une trentaine d’échantillons à la surface martienne pour ensuite les ramener sur Terre et les analyser.
Il faudra certes attendre 2030, au plus tôt, pour récupérer ces échantillons, mais ils pourront ensuite être étudiés de manière la plus précise et diversifiée possible grâce aux équipements disponibles sur Terre.
La mission OSIRIS-REx, visant à se poser et récolter des échantillons à la surface de l’astéroïde Bennu, est en train de démontrer la faisabilité du retour de larges échantillons extra-terrestres sur Terre. Pourtant, la NASA se heurte à une difficulté supplémentaire : comment assurer une "protection planétaire" réciproque ? Comment éviter de contaminer les échantillons martiens avec des composés terrestres, d’une part, mais aussi éviter qu’une potentielle vie martienne inédite ne contamine la Terre, d’autre part ? Concrètement : comment stériliser, sans le dégrader, un caillou martien pour pouvoir l’étudier, sur Terre, hors quarantaine ? Bien loin des stéréotypes hollywoodiens d’une invasion extraterrestre, ce principe de précaution préoccupe les ingénieurs de l’agence spatiale américaine depuis des décennies, déjà lors du programme Apollo. La mission sur la surface stérile de Bennu servira de répétition générale, avant la grande première attendue sur Mars.
Signatures de vie
Outre ces challenges techniques, ExoMars et Mars2020 vont faire face à une question d’autant plus cruciale : qu’est-ce qu’un "signe de vie ancienne" ?
La réponse est complexe, même sur Terre. Si la découverte d’un fossile représente une preuve évidente, les organismes simples, unicellulaires, comme des bactéries, ne laissent pas forcément de traces sous forme fossilisée. Le consensus scientifique aujourd’hui est donc de rechercher des traces indirectes de vie qui témoigneraient de sa présence, par exemple les isotopes 12 et 13 du Carbone, le méthane et certains métaux utilisés lors des réactions biologiques. Des recherches sont en cours dans le cadre du projet Eos "ET-HOME", piloté par l’Université libre de Bruxelles afin de déterminer si l’apparition de méthane est possible en l’absence de vie, afin de renforcer l’hypothèse actuelle ou, au contraire, d’appeler à plus de prudence sur cette trace indirecte de vie.
Nous avons, sur Terre, déjà des échantillons de Mars sous forme de météorites. Mais nous ne savons pas d'où elles viennent à la surface de Mars et, surtout, il s'agit de roches volcaniques qui n'ont aucune chance de contenir des traces de vie s'il y en avait. En exploreront des zones différentes de Mars, Rosalind Franklin et Mars 2020 permettront de récolter de nouveaux échantillons, sur zone d’étude plus étendue, et augmenteront les probabilités de trouver une information capitale. Trouver de la matière organique, de même que la présence d’eau liquide, ne sera cependant pas synonyme de vie : ce sera uniquement un signe d’habitabilité de la planète rouge. Une habitabilité probablement optimale il y a 4 milliards d’années de cela, mais qui n’est plus vraiment d’actualité aujourd’hui, du moins en surface. Les renseignements récoltés lors des missions martiennes pourront néanmoins nous renseigner sur les conditions nécessaires à l’émergence de la vie, ce qui permettra d’améliorer les prédictions concernant l’habitabilité d’exoplanètes lointaines.
Des générations de scientifiques
50 ans après le premier pas de l’Homme sur la Lune, les prochaines missions robotisées visant Mars appellent à la patience : plusieurs générations de scientifiques seront nécessaires pour pouvoir récolter et analyser les échantillons martiens.
La volonté affichée de Donald Trump d’envoyer des hommes sur Mars dans les prochaines décennies est utopique, tant les défis techniques restent nombreux. Cependant, la volonté politique de soutenir la recherche spatiale menée par la NASA est un signe politique positif, dans un contexte où les acteurs de la conquête spatiale se multiplient, de même que les intérêts économiques et géopolitiques. Les missions Apollo ont débouché sur de nombreuses innovations technologiques aujourd’hui utilisées dans nos vies quotidiennes comme le velcro ou le GPS. On peut espérer que la conquête de l’espace, et de Mars en particulier, apportera également son lot d’innovations révolutionnaires, quel que soit le résultat des campagnes à venir.
Article écrit par Vinciane Debaille et Natacha Jordens
L'experte: Vinciane Debaille
Vinciane Debaille est maitre de recherche FNRS/FNRS au laboratoire G-TIMe (Service Géochimie : Traçage isotopique, minéral et élémentaire) de la Faculté des Sciences. Elle étudie la formation du système solaire et des planètes, ainsi que leur "habitabilité".
vinciane.debaille@ulb.ac.be