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Mars|Bruxelles, Bld Adolphe Max: une liaison à plusieurs vitesses

Publié le 15 novembre 2023 Mis à jour le 9 janvier 2024

Reliant la place de Brouckère à la place Rogier, le boulevard Adolphe Max est le maillon central de la liaison cyclo-piétonne entre le nord et le sud de la ville de Bruxelles. Son réaménagement devrait être terminé en mars 2024. Claire Pelgrims nous en parle.

Comment le réaménagement du boulevard Adolphe Max a-t-il été pensé ?

Claire Pelgrims : Le boulevard Adolphe Max fait partie des boulevards centraux qui ont été construits et aménagés sur le pertuis de la Senne pour relier la Gare du Nord et la Gare du Midi à une époque où la Gare Centrale n’existait pas, au tout début du 19e siècle. Plus tard, il a été occupé principalement par la voiture jusqu’à la décision de 2015 de le piétonniser. Ce qui est intéressant, ce sont les tensions qui existent entre une conception du réaménagement pour les piétons dans la continuité de ce qui se fait depuis les années 70 – et qui consiste à mettre en place des espaces plutôt liés au tourisme et au consumérisme sans changer grand-chose à la « marchabilité » de la ville à plus grande échelle – et toute une réflexion qui, depuis les années 2000, conçoit l’aménagement en termes de réseaux, d’infrastructures pour les piétons et les cyclistes afin de rendre ces modes de transports efficaces et désirables. La question, c’est comment articuler ces deux visions.

Comment permettre par ailleurs la cohabitation entre les vélos, les vélos électriques, les trottinettes, les piétons... ?

Claire Pelgrims : Il y a une tension entre les différentes vitesses : même s’il n’y a plus de voitures sur cette voie, beaucoup de cyclistes l’utilisent comme un axe assez rapide – ce qu’on appelle le RER vélo – ; or, il y a aussi beaucoup de piétons... Une manière assez facile de réduire la friction entre ces vitesses, c’est de faire des couloirs parallèles. Partager l’espace, cela demande de l’attention et de l’anticipation, notamment par rapport à d’autres utilisations de l’espace public, par exemple par les personnes porteuses de handicap.

Peut-on imaginer demain une ville entièrement cyclo-piétonne ?

Claire Pelgrims : L’objectif du plan régional de mobilité « Good Moove » est de faire en sorte que tout le trafic automobile soit ramené vers l’extérieur et de déconcentrer les usages des boulevards centraux. Cela permettrait d’aplanir ces tensions et de libérer de l’espace ailleurs. L’exemple, c’est Barcelone, où aujourd’hui seule une rue sur trois est accessible aux transports motorisés. A Paris, un énorme travail a aussi été fait, mais avec de grosses tensions parmi les cyclistes, entre ceux qui sont à vélo, ceux qui sont à vélo électrique, etc. Le risque, c’est en effet de se retrouver avec des infrastructures qui, quoique récentes, sont presque saturées au moment où elles sont mises en place car beaucoup de gens se mettent au vélo une fois qu’il y a des infrastructures sécurisées...

Un autre risque est que la mobilité douce demeure un privilège : comment la rendre plus inclusive ?

Claire Pelgrims : J’étudie la question de l’inclusivité notamment sous le prisme du genre, par rapport au sentiment de compétence et au caractère agréable ou non des trajets. On constate ainsi que les femmes ont tendance à préférer les espaces où il y a moins de tensions avec les autres usagers de l’espace public. Mais il y a aussi la question de l’âge : certaines personnes âgées n’ont plus envie d’aller en centre-ville car elles ont l’impression de devoir se battre à chaque instant pour ne pas tomber... Et puis tout le monde ne sait pas faire du vélo. En général, les personnes issues de l’immigration n’ont appris à en faire qu’à l’âge adulte : elles arrivent donc sur les infrastructures avec un sentiment de maîtrise qui n’est pas le même que pour celui qui en fait depuis l’enfance. Si la qualité des infrastructures n’est pas au rendez-vous, on peut très vite effrayer ces usagers.

Julie Luong