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Février|Défi majeur face au cancer du sein: préserver la qualité de vie des patientes

Publié le 15 novembre 2023 Mis à jour le 9 janvier 2024

Chaque année, le 4 février est dédié à sensibiliser à la lutte contre le cancer. En Belgique, les tumeurs représentent aujourd’hui la 1re cause de décès dans la population. Chez les femmes, le cancer le plus fréquemment diagnostiqué, ainsi que le plus mortel, est la tumeur maligne du sein. Mise au point avec Alexandra Van Keymeulen.

Sait-on pourquoi les seins sont particulièrement touchés par le cancer ?

Alexandra Van Keymeulen : Non, on n’a malheureusement pas d’explication. On sait toutefois que les femmes sont davantage concernées que les hommes, car la plupart des cancers du sein sont dépendants des hormones féminines, comme les œstrogènes et la progestérone.

Ces dernières années, le nombre de cas détectés a augmenté. Comment l’expliquer ?

Alexandra Van Keymeulen : Différentes hypothèses peuvent être avancées. Déjà, de plus en plus de femmes se font dépister, ce qui accroit clairement le nombre de diagnostics, et le vieillissement de la population influence ces chiffres, l’incidence du cancer du sein s’élevant avec l’âge. Mais notre style de vie pourrait aussi expliquer cette augmentation des cas. La consommation d’alcool, même modérée, le surpoids et l’absence d’activité physique sont des facteurs de risque importants. De plus, et bien qu’on ignore pourquoi, on observe qu’une 1re grossesse avant 30 ans réduit ce risque, de même qu’un allaitement prolongé. Or, les femmes reportent de plus en plus l’âge d’avoir des enfants, et peu peuvent se permettre d’allaiter au-delà du congé de maternité. Rappelons toutefois que si les cas détectés sont aujourd’hui plus nombreux, on meurt aussi moins du cancer du sein. En 1970, le taux de survie à 5 ans était de 40%, tandis qu’il est actuellement à plus de 90% !

On le doit notamment à des thérapies plus efficaces. Quels sont les défis actuels pour améliorer ces traitements ?

Alexandra Van Keymeulen : On évalue souvent l’efficacité d’un traitement par le taux de survie des patients, mais la qualité de vie est aussi extrêmement importante. Trouver des outils qui améliorent les chances de guérison et qui n’ont pas d’effets secondaires lourds reste un défi majeur. Dans le cadre de mes recherches, je cherche notamment à mieux comprendre les étapes qui précèdent l’apparition d’une tumeur. Si on arrivait à distinguer les tumeurs qui vont progresser de celles qui vont rester bénignes, des interventions chirurgicales inutiles pourraient par exemple être évitées. Actuellement, on opère et enlève toutes les tumeurs alors qu’une fraction d’entre elles va progresser en cancer invasif. Par ailleurs, pour les femmes prédisposées génétiquement, un suivi rapproché des marqueurs d’étapes précoces pourrait éviter la mastectomie bilatérale préventive.

Il y a aussi les défis amenés par les récidives.

Alexandra Van Keymeulen : En effet. Fréquemment, certaines cellules cancéreuses qui migrent vers d’autres organes restent dormantes. Vu qu’elles ne se divisent pas, elles ne sont pas éliminées par la chimiothérapie qui cible les cellules qui se divisent beaucoup. Or, ces cellules peuvent se « réveiller » après plusieurs années, et former à nouveau des métastases problématiques. Savoir pourquoi certaines cellules restent dormantes et ce qui déclenche leur « réveil » est un enjeu crucial. La recherche fondamentale avance néanmoins beaucoup dans ces domaines et je suis confiante que cela mènera à de nouveaux traitements plus efficaces dans les années à venir. Les technologies utilisées en recherche évoluent de façon très impressionnante. On a maintenant accès à des techniques qu’on n’aurait même pas imaginées il y a 10 ans.

Camille Stassart