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Mai|Élections sociales : simple formalité?

Publié le 15 novembre 2023 Mis à jour le 9 janvier 2024

En Belgique, les élections sociales ont lieu entre le 13 et le 26 mai 2024. Les candidats viennent souvent à manquer… Pourtant, le travail génère de nombreux risques psycho-sociaux et est responsable de 50 % des invalidités Explication avec Sophie Remouchamps.

Les travailleurs de la plupart des entreprises du secteur privé élisent en mai leurs représentants au comité d'entreprise (CE) et/ou au comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT). À quoi servent ces organes de concertation ?

Sophie Remouchamps : Le CE et le CPPT formalisent le droit à l’information et à la consultation en matière économique et sociale et en matière de santé et sécurité au travail, qui sont des droits fondamentaux reconnus au niveau européen et international. Et pour que ce droit soit effectif, il faut qu’il y ait des représentants qui puissent l’exercer au nom de tous les travailleurs. Le processus des élections sociales ressemble donc assez bien au processus des élections politiques. Ici, ce sont les syndicats qui présentent au suffrage des travailleurs de l’entreprise des candidats qu’ils ont choisis. Chacune des trois organisations représentatives – la FGTB, la CSC et la CGSLB –  a le droit de présenter des candidats.

Toutes les entreprises du secteur privé sont-elles concernées ?

Sophie Remouchamps : Pour que les élections sociales aient lieu, il faut que l’entreprise compte au moins 100 travailleurs pour le CE et au moins 50 travailleurs pour le CPPT. Il y a donc de nombreuses entreprises qui n’atteignent pas les seuils ou qui mettent en place des manœuvres pour ne pas les atteindre... Mais il y a clairement un problème de conformité de la législation belge par rapport à la directive européenne qui voudrait que ce droit à l’information et à consultation en matière économique et sociale soit assuré à partir de 20 travailleurs. Dans les entreprises où il n’y a pas de CPPT, c’est la délégation syndicale qui récupère le socle de base de cette information-consultation ainsi que les missions du CPPT. Le problème, c’est que la délégation syndicale n’est pas non plus en place partout : il y a donc beaucoup de (petites) entreprises où il n’y a rien.

Y a-t-il assez de candidats pour les élections sociales ?

Sophie Remouchamps : Selon le SPF Emploi, près de 30 % des entreprises n’ont pas institué le CPPT en 2020 alors qu’elles atteignaient les seuils parce qu’il n’y a pas eu assez candidats... C’est énorme. Si on regarde les statistiques, on constate que le pourcentage d’entreprises qui arrêtent le processus parce qu’il n’y a personne à élire augmente d’élections en élections... Il y a plusieurs raisons à cela. Premièrement, il y a probablement une difficulté à embrasser l’identité du délégué. Deuxièmement, avec le rapport de subordination inhérent au monde du travail, beaucoup de personnes n’osent pas se confronter à l’employeur. Car il ne s’agit pas seulement de boire le café avec lui, mais de lui demander d’expliquer ses décisions, de les discuter. Ca suppose de passer la barrière de subordination et d’assumer un rôle revendicatif. Troisièmement, il y a la question de l’impact sur la carrière car si vous faites un bon travail de délégué, vous allez forcément enquiquiner l’employeur... Certes, des législations anti-discrimination existent mais les faire appliquer, c’est très compliqué.

Les organes de concertation demeurent-ils des outils importants en termes de santé au travail ?

Sophie Remouchamps : Aujourd’hui, en Belgique, plus de la moitié des travailleurs en invalidité le sont pour des causes professionnelles, qu’il s’agisse de troubles musculosquelettiques ou de risques psycho-sociaux : dépression, burn-out, malaise dans l’entreprise... Donc le CPPT, c’est l’occasion de dire ce qui ne va pas et de pousser l’employeur à appliquer  les normes de santé et de sécurité et la prévention des risques. C’est un champ à investir. Des études montrent que l’existence d’une représentation des travailleurs sur ces questions influe positivement sur la qualité de la prévention au sein de l’entreprise. Sans compter qu’en matière de santé-sécurité, il est normal qu’on puisse discuter des risques qu’on prend en tant que travailleur ! C’est quand même, dans certains cas, une question de vie ou de mort...

Julie Luong