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Comment les cyanobactéries parviennent à stabiliser un minéral normalement instable
Une nouvelle étude révèle pour la première fois comment certaines cyanobactéries peuvent stabiliser un type de minéral à base de carbonate de calcium qui est généralement extrêmement instable. Cette découverte, faite par Neha Mehta, chercheuse FNRS au département Biogéochimie et modélisation du système terrestre (BGeoSys) de la Faculté des sciences, et son équipe, ouvre de nouvelles perspectives dans le domaine de la science des matériaux et de la recherche environnementale.
Un minéral qui ne reste pas en place
Le carbonate de calcium existe sous plusieurs formes. Certaines, appelées phases cristallines (comme la calcite), sont stables et courantes dans la nature. D'autres, comme le carbonate de calcium amorphe (amorphous calcium carbonate en anglais, ou ACC), sont métastables : comme elles n'ont pas de structure interne définie, elles se réorganisent très rapidement en une forme cristalline plus stable. Par conséquent, l'ACC est rarement observé dans la nature, car il se transforme presque aussitôt après sa formation.Pourtant, les cyanobactéries – des micro-organismes capables de photosynthèse comme les plantes, naturellement présents dans les milieux aquatiques et parfois appelés "algues bleues" – sont capables de produire et de stocker de l'ACC à l'intérieur de leurs cellules et, plus surprenant encore, de le maintenir à l'état amorphe pendant de longues périodes. Les mécanismes à l'origine de cette remarquable stabilité restent mal compris. Comment les cyanobactéries arrivent elles à stabiliser une phase métastable ? C'est la question abordée dans cette nouvelle étude.
Comment les cyanobactéries stabilisent l'ACC
À l'aide de la spectroscopie RMN à l'état solide, l'équipe a analysé la structure interne des granules d'ACC intracellulaires présents dans les cellules des cyanobactéries. Elle a montré qu'ils sont composés exclusivement d'ACC hydraté, sans aucune trace de carbonate de calcium cristallin.
Les chercheurs ont également découvert que chaque granule est entouré d'une fine enveloppe protéique, tandis que les molécules d'eau agissent comme des "ponts" entre l'ACC et cette couche protéique. "Cette organisation spécifique limite la mobilité des ions et de l'eau, ralentit la déshydratation et empêche la cristallisation", explique Neha Mehta — Biogéochimie et Modélisation du Système Terre (BGeoSys), Faculté des Sciences —, auteure principale de l'étude.
En d'autres termes, la bactérie "verrouille" le minéral dans son état amorphe, un peu comme on maintient une feuille de papier à plat en la collant avec du ruban adhésif pour l'empêcher de se recourber. L'étude fournit ainsi le premier mécanisme moléculaire expliquant comment les cyanobactéries stabilisent l'ACC.
Comprendre comment les organismes vivants forment des minéraux ouvre de nouvelles perspectives dans le domaine de la science des matériaux et de la recherche environnementale. Ces résultats pourraient contribuer au développement de matériaux minéraux bio-inspirés grâce à des processus plus durables ou à l'amélioration des méthodes utilisant des bactéries pour piéger les éléments alcalino-terreux ou les radionucléides dans une phase minérale stable.