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Déboulonner l’histoire: une nouvelle étude sur les symboles d'un passé contesté à Bruxelles
Publié le 4 novembre 2024
– Mis à jour le 4 novembre 2024
La revue "Brussels Studies" publie dans son 197e numéro un article rédigé par Joost Vaesen (VUB), Serge Jaumain, Iadine Degryse, Dirk Jacobs (Faculté de Philosophie et Sciences sociales) et Benjamin Wayens (Faculté des Sciences). Intitulé « Du QR code au déboulonnage. La mise en débat des symboles d’un passé contesté dans l’espace public bruxellois », cet article examine les enjeux et stratégies autour des monuments et noms de rues controversés, éclairant ainsi leur impact sur l’espace public et les mémoires collectives à Bruxelles.
Le 11 novembre sera ravivée la flamme du soldat inconnu au pied de la colonne du Congrès, symbolisant la mémoire des défunts des deux guerres mondiales et des soldats tués en mission depuis 1945. Placé dans un quartier et au pied d’un monument hautement symboliques pour l’État belge, qui commémore sa création, le symbole du soldat inconnu est aujourd’hui remis en cause car il invisibilise certains combattants ayant défendu les intérêts de la Belgique lors des deux grandes guerres. Ainsi, depuis 2008, l’association Bakushinta organise square Riga à Schaerbeek une cérémonie alternative, dédiée aux soldats congolais qui luttèrent en Afrique et en Belgique pour défendre la liberté de cette dernière. Et pour la première fois, en 2023, une représentante du gouvernement fédéral était présente devant le Monument commémoratif en l’honneur des troupes des campagnes d’Afrique.
Cet exemple illustre l’importance des symboles matériels et événementiels dans l’espace public et les débats complexes qu’ils suscitent, en particulier à Bruxelles autour de la question coloniale. Pour réfléchir à la place des marqueurs mémoriels contestés et aux types d’interventions qui peuvent s’y appliquer, une équipe d’historien·nes (Joost Vaesen, Iadine Degryse, Serge Jaumain), de sociologue (Dirk Jacobs) et de géographe (Benjamin Wayens) de l’Université libre de Bruxelles et de la Vrije Universiteit Brussel a mené un travail d’inventaire des arguments mobilisés autour des statues et des noms de rues contestés dans la capitale. Elle et ils présentent le résultat de leurs réflexions dans le 197e numéro de Brussels Studies.
Pour identifier les différents types de réactions et les arguments en présence, les chercheur·es ont analysés les débats du Parlement bruxellois, organisé des tables-rondes rassemblant universitaires, archivistes et militants, mené des entretiens individuels et collectifs avec des citoyens, des élus, des chercheurs, des fonctionnaires et des représentants de la société civile. Deux critères ont ensuite permis de créer une typologie des interventions menées sur les marqueurs mémoriels : l’emplacement de l’intervention (sur la statue, à côté, dans l’espace virtuel,…) et le degré de visibilisation de la contestation. Les six stratégies identifiées sont illustrées par des exemples issus d’une analyse de la presse locale. À travers cette typologie, l’ambition des auteur·es est d’accompagner décideurs, administrations, militants et usagers de l’espace public dans leurs (ré)actions face à un marqueur mémoriel contesté par des militants ou par des décideurs eux-mêmes. Ces derniers sont souvent poussés à prendre des décisions rapides et inconfortables, ce qui conduit parfois à l’émergence de nouvelles contestations et à une polarisation plus importante encore.
Pour améliorer la prise de décision face aux débats historiques, les chercheur·es pointent encore trois éléments. Premièrement, ne pas agir au cas par cas, mais considérer l’ensemble des marqueurs d’un symbole contesté (plusieurs statues représentant la même figure, par exemple). Réfléchir ensuite à la localisation des interventions, pour ne pas reléguer aux espaces périphériques les nouveaux symboles créés aujourd’hui, en conservant un espace symbolique hérité surchargé et parfois contesté au centre-ville. Enfin et de manière fondamentale, puisque le paysage commémoratif reflète la vision des décideurs modifiant l’espace public, il est crucial d’impliquer d’autres groupes sociaux, acteurs et organisations dans ces réflexions et dans la prise de décision. C’est la pluralité et la polyphonie de la mémoire qui permettront de mieux équilibrer les rapports de force dans la définition d’un nouvel espace public plus inclusif et d’une société plus démocratique.
Vers l'article complet
Cet exemple illustre l’importance des symboles matériels et événementiels dans l’espace public et les débats complexes qu’ils suscitent, en particulier à Bruxelles autour de la question coloniale. Pour réfléchir à la place des marqueurs mémoriels contestés et aux types d’interventions qui peuvent s’y appliquer, une équipe d’historien·nes (Joost Vaesen, Iadine Degryse, Serge Jaumain), de sociologue (Dirk Jacobs) et de géographe (Benjamin Wayens) de l’Université libre de Bruxelles et de la Vrije Universiteit Brussel a mené un travail d’inventaire des arguments mobilisés autour des statues et des noms de rues contestés dans la capitale. Elle et ils présentent le résultat de leurs réflexions dans le 197e numéro de Brussels Studies.
Pour identifier les différents types de réactions et les arguments en présence, les chercheur·es ont analysés les débats du Parlement bruxellois, organisé des tables-rondes rassemblant universitaires, archivistes et militants, mené des entretiens individuels et collectifs avec des citoyens, des élus, des chercheurs, des fonctionnaires et des représentants de la société civile. Deux critères ont ensuite permis de créer une typologie des interventions menées sur les marqueurs mémoriels : l’emplacement de l’intervention (sur la statue, à côté, dans l’espace virtuel,…) et le degré de visibilisation de la contestation. Les six stratégies identifiées sont illustrées par des exemples issus d’une analyse de la presse locale. À travers cette typologie, l’ambition des auteur·es est d’accompagner décideurs, administrations, militants et usagers de l’espace public dans leurs (ré)actions face à un marqueur mémoriel contesté par des militants ou par des décideurs eux-mêmes. Ces derniers sont souvent poussés à prendre des décisions rapides et inconfortables, ce qui conduit parfois à l’émergence de nouvelles contestations et à une polarisation plus importante encore.
Pour améliorer la prise de décision face aux débats historiques, les chercheur·es pointent encore trois éléments. Premièrement, ne pas agir au cas par cas, mais considérer l’ensemble des marqueurs d’un symbole contesté (plusieurs statues représentant la même figure, par exemple). Réfléchir ensuite à la localisation des interventions, pour ne pas reléguer aux espaces périphériques les nouveaux symboles créés aujourd’hui, en conservant un espace symbolique hérité surchargé et parfois contesté au centre-ville. Enfin et de manière fondamentale, puisque le paysage commémoratif reflète la vision des décideurs modifiant l’espace public, il est crucial d’impliquer d’autres groupes sociaux, acteurs et organisations dans ces réflexions et dans la prise de décision. C’est la pluralité et la polyphonie de la mémoire qui permettront de mieux équilibrer les rapports de force dans la définition d’un nouvel espace public plus inclusif et d’une société plus démocratique.
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