1. Actus & Agenda
  2. FR
  3. Actus
  4. Recherche

Laurence Rosier : briser le tabou autour du plaisir féminin

Publié le 9 mai 2025 Mis à jour le 13 mai 2025

Laurence Rosier est linguiste et professeure d’analyse du discours, en Faculté de Lettres, Traduction et Communication. Elle reçoit le Prix de la diffusion scientifique ULB - catégorie sur scène - pour son exposition Clito, consacrée à l’histoire et aux représentations du plaisir féminin.

RosierLaurence

Laurence Rosier est linguiste et professeure d’analyse du discours, en Faculté de Lettres, Traduction et Communication. Elle reçoit le Prix de la diffusion scientifique ULB  - catégorie sur scène - pour son exposition Clito, consacrée à l’histoire et aux représentations du plaisir féminin.  


Des clitoris déclinés en sculptures, peintures, dessins, vidéos, installations… L’exposition Clito proposait tout au long du printemps 2024 au Solbosch un large panorama d’œuvres d’art accompagnées de réflexions scientifiques, de documents médicaux, de textes littéraires et de manifestes féministes sur le clitoris, son histoire et sa représentation à travers les âges.  

Commissaire de cette exposition, la linguiste Laurence Rosier est une figure scientifique engagée depuis la fin des années 1990, quand elle oriente ses recherches sur l’insulte et notamment sa dimension sociale, discriminatoire, véhiculée par les insultes racistes et les insultes homophobes. « À partir de 2012, c’était sans doute l'air du temps, j'ai commencé à travailler sur les questions de genre, et donc les insultes sexistes » se souvient-elle. L’envie de vulgariser ses recherches par le prisme artistique aboutit en 2015 sur une première exposition intitulée Salope et autres noms d’oiselles, suivie en 2018 par une exposition sur la pornographie.

Rosier - Kroll


Des thématiques souvent taboues


Le projet Clito naît en 2020, lorsqu’elle est approchée par deux artistes, Natacha de Locht et Brigitte de Kerchove, qui travaillaient sur la question du plaisir féminin. Ensemble, et avec le soutien de la vice-rectrice de l’ULB Valérie Piette, elles imaginent une exposition mêlant art et histoire de la sexualité féminine, abordant la question du plaisir mais aussi son versant noir, l’excision. « Malgré le changement de regard sur le clitoris, redéfini anatomiquement en 1998, il reste encore mal connu du grand public » contextualise Laurence Rosier. 

« L’objectif était de sensibiliser un large public, dont la communauté estudiantine, à ces thématiques souvent taboues et cantonnées au contexte médical ».  


Le succès de Clito témoigne de la pertinence de cette démarche. L’exposition a attiré entre 5000 et 8000 personnes, issues aussi bien de l’ULB que de l’extérieur, dont des sexologues en quête d’outils pédagogiques. Des écoles secondaires, encore réticentes à organiser des visites en raison de la sensibilité du sujet, comme l’a montré la polémique EVRAS, ont recommandé l’événement à leurs élèves. « Certains jours, j’avais l'impression de tenir un cabinet de sexologie, des gens venaient me parler de leur problèmes sexuels » s’amuse la linguiste.   
 

L’art comme média de vulgarisation et de sensibilisation


Soutenue par ULB Culture, le Musée de la Médecine et la Bibliothèque de la Santé d'Erasme, entre autres, Clito a également permis de valoriser des pièces issues des fonds "licencieux" de la bibliothèque de l’ULB, lieu où sont conservés des ouvrages sur la pornographie et la sexualité, généralement interdits. Pour Laurence Rosier, c’était aussi l’occasion de faire écho à ses recherches en explorant la parole des femmes dans l’espace public et les violences qu’elles subissent lorsqu’elles tentent de visibiliser leurs travaux sur la sexualité féminine.

 « Les recherches en sciences humaines ne changent pas le monde du jour au lendemain, mais elles accompagnent les mouvements culturels sur le long terme » affirme Laurence Rosier, convaincue de la puissance de l’art comme média de vulgarisation et de sensibilisation aux enjeux sociaux. Missions qui s’inscrivent dans les valeurs de l’ULB de défense des droits des femmes et de promotion d’un discours libre sur des sujets tabous.

« Si j’ai encore l’occasion d’organiser une expo, ce sera toujours autour des questions de sexualité au sens large car c’est un créneau que la société peine encore à aborder ».