L’astrophysique étant une discipline principalement d’observation, on pourrait penser qu’elle n’amène pas à du travail de terrain. Mais la réalité est toute autre : Léa Planquart s’est rendue à plusieurs reprise sur l’île de la Palma dans les îles Canaries, et dans le désert d’Atacama au Chili, pour observer les étoiles grâce à des télescopes à la pointe de la technologie.
Comprendre les étoiles binaires : à la recherche de la poussière d’étoile des géantes rouges
L’astrophysicienne Léa Planquart étudie les étoiles binaires, deux étoiles gravitationnellement liées tournant l'une autour de l'autre, comme les planètes de notre système solaire, tournant autour du Soleil. Son travail se concentre sur la détection des étoiles compagnons des étoiles géantes brillantes, souvent difficiles à observer, ainsi que sur l’impact de ces compagnons sur l’évolution de leur étoile partenaire, tout particulièrement dans leur phase de « géante rouge ». Les étoiles dites « géantes rouges » sont une centaine de fois plus grandes que notre soleil et 3500°C plus froides, ce qui leur donne une couleur rouge.
Ce domaine de recherche n’est pas nécessairement pionnier, en effet on sait depuis plusieurs dizaines d’années que la plupart des étoiles dans l’univers sont en système binaire. Cependant, on dispose de peu de données d’observation pour la phase de géante rouge des étoiles dans ce type de système. La recherche de Léa Planquart vient donc remédier à ces lacunes « Cet axe de recherche est assez pionner, surtout parce que les instruments actuels permettent d’aller plus loin qu’avant dans la détection des étoiles binaires », explique la chercheuse.
Les instruments en question, ce sont le télescope Mercator, situé sur l'île de La Palma, l’une des îles espagnoles des Canaries, et l’interféromètre de l'Observatoire Européen Austral (ESO) au Chili. Grâce au télescope Mercator, appartenant à la KU Leuven, la chercheuse a pu accéder à plus de 10 ans d’observations sur une étoile et récolter son suivi spectral. Cela consiste à analyser la variation de vitesse des éléments dans l’étoile en observant son spectre électromagnétique.
Quant à l’interférométrie, Léa Planquart a pu lors de sa 2e année de thèse, se rendre à l’ESO pour apprendre cette technique particulière d’observation : « Elle consiste à combiner de manière cohérente la lumière collectée à différents télescopes, ce qui permet d’obtenir une image d’une étoile avec une résolution plus importante, qui est impossible à avoir avec même les plus gros télescopes. » La chercheuse a pu ainsi étudier la distribution de poussière autour de ces géantes rouges.
© ESO/J. Girard (djulik.com)
L’intérêt du terrain : quand la collaboration élargit la vision scientifique
Aller sur le terrain à l’ESO a été essentiel pour la recherche de Léa Planquart. « Il y avait deux intérêts à aller sur place au Chili. Premièrement, pour apprendre cette technique pionnière d'interférométrie sous la supervision d’experts dans le domaine. Et deuxièmement, pour comprendre le fonctionnement de d'un Observatoire et comment était récoltées les données, » souligne la chercheuse.
La collaboration internationale a aussi grandement facilité son travail. « Il y a beaucoup d’instruments de mesure, et pour chacun d’entre eux, il y a des spécialistes, et ça, peu importe leur thématique de recherche. J’ai énormément appris de mes collègues sur leur thématique de recherches mais également sur les instruments qu’il utilisaient. »
Avoir tous ces experts du domaine au même endroit permet également un échange de connaissance international. « Même si l’on étudie chacun des sujets différents (allant par exemple de l’étude des comètes dans notre système solaire à l’études des galaxies les plus éloignées), tout est lié par les mêmes lois en astrophysique donc en apprendre sur la recherche des autres permet d’avoir une vision plus large de notre propre sujet. » Pendant les 7 mois au Chili de la chercheuse, des séminaires et colloques étaient organisés régulièrement. « C’était une véritable opportunité d’en apprendre davantage que si j’étais restée à l’ULB, parce que sur le groupe de 70 chercheurs, nous n’étions que 2 belges. » Pour elle, la recherche sur le terrain est extrêmement importante pour les rencontres et collaborations futures entre chercheurs.
Observer les étoiles… parfois dans des conditions extrêmes
© J.L. Dauvergne & G. Hüdepohl (atacamaphoto.com)/ESO
Durant, ses 3 missions de terrain la chercheuse a été confrontée à des phénomènes climatiques assez extrêmes. Elle s’est rendue par deux fois sur l’île de la Palma : la 1ère fois a dû faire face à une éruption volcanique, et la 2ème fois c’est une tempête de neige qui l’a accueillie. Enfin, sa dernière mission au Chili était à 3 000 mètres d’altitude en plein milieu du désert d’Atacama, un des plus aride au monde.
« Il fait tellement sec, qu’ils ont installés une énorme piscine. Les gens ne s’y baignent pas vraiment, mais c’est pour réhumidifier l’air dans la résidence sous-terraine, car l’aridité n’est pas supportable à long terme. C’est assez surprenant de passer de l’aridité du désert à un climat tropical avec des palmiers la première fois qu’on rentre dans la résidence. » Des conditions de travail plutôt extrêmes, assez éloignées de la pluie belge et que l’on n’associerait pas directement à l’astrophysique, une discipline qui reste principalement observationnelle. La prochaine mission sur le terrain de Léa Planquart sera de nouveau sur l’île de la Palma. En espérant que la météo soit un peu plus clémente cette fois-ci.