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Pathologies thyroïdiennes rares : Sabine Costagliola, Prix Generet 2023

Publié le 14 mars 2024 Mis à jour le 28 mars 2024

Sabine Costagliola – IRIBHM, Faculté de Médecine - reçoit le Prix Generet pour les Maladies Rares, en présence de la princesse Astrid. Ce prix est doté d’un montant d’un million d’euros, ce qui en fait la distinction la plus prestigieuse pour les maladies rares en Belgique. Il est décerné cette année à Sabine Costagliola pour ses recherches utilisant la technologie des organoïdes humains afin de modéliser deux pathologies thyroïdiennes rares. Ces recherches contribueront à améliorer le diagnostic ainsi que la qualité de vie des patients.

La glande thyroïde joue un rôle essentiel dans la croissance et le bon fonctionnement de notre métabolisme. Située à la base du cou, cette glande produit des hormones qui exercent une influence sur la quasi-totalité de nos tissus et organes : développement cérébral, fonction cardiovasculaire, régulation du métabolisme basal, thermorégulation, régulation du cycle menstruel… Parmi les pathologies thyroïdiennes, l’hypothyroïdie congénitale est une maladie rare qui affecte environ 1 enfant sur 3.000. Elle se caractérise par un dysfonctionnement ou l’absence de thyroïde à la naissance. En raison du rôle central des hormones thyroïdiennes dans le développement précoce du cerveau, l'hypothyroïdie non détectée et non traitée entraîne un retard mental et un retard de croissance.


 

Cause majoritairement inconnue

Depuis de nombreuses années, Sabine Costagliola – directrice de l’IRIBHM, Faculté de Médecine - étudie les mécanismes sous-jacents au développement de la thyroïde et aux pathologies thyroïdiennes. “Malgré l'identification de nombreux gènes impliqués dans le développement normal de la thyroïde, les mécanismes moléculaires à l’origine de troubles thyroïdiens restent mal compris. Aujourd’hui, on explique à peu près 10 % des cas d’hypothyroidies congénitales. La très grande majorité des cas reste donc inexpliquée. L’objectif de mes recherches est de comprendre pourquoi un enfant nait sans thyroïde ou avec un thyroïde qui ne fonctionne pas bien" précise la chercheuse.

Son laboratoire a par ailleurs été à la pointe de la création d’organoïdes thyroïdiens, c’est-à-dire des mini-thyroïdes cultivées in vitro, créées à partir de cellules souches pluripotentes de souris et d’humains. “Ces organoïdes ont démontré leur capacité à reproduire les stades de développement de la glande thyroïde in vitro, et après transplantation chez des souris sans thyroïde, ils ont produit des hormones thyroïdiennes in vivo. Nous allons donc pouvoir utiliser ce modèle pour étudier des situations pathologiques et tester différentes hypothèses, en utilisant directement des cellules de patients qui ont des problèmes thyroïdiens.
 

Deux pathologies thyroïdiennes rares

Sabine Costagliola reçoit le Prix Generet pour les Maladies Rares, doté d’un montant d’un million d’euros, ce qui en fait la distinction la plus prestigieuse pour les maladies rares en Belgique.

Ce soutien financier permettra à Sabine Costagliola et à son équipe de poursuivre leurs recherches visant à utiliser ces organoïdes humains pour modéliser deux pathologies thyroïdiennes rares.

La première pathologie concerne l’hypothyroïdie congénitale. “Nous étudierons les mécanismes moléculaires sous-jacents à cette pathologie en utilisant des cellules pluripotentes de patients atteints d'hypothyroïdie congénitale et de jumeaux monozygotes discordants pour cette pathologie. En particulier, nous analyserons le matériel de jumelles partageant un patrimoine génétique identique, mais dont l’une a une thyroïde normale et fonctionnelle, tandis que l’autre a une thyroïde atrophique dysfonctionnelle. En utilisant des organoïde thyroïdiens dérivés de leurs cellules, nous comparerons in vitro une situation observée in vivo, et tenterons d’identifier les mécanismes moléculaires responsables de l’absence de développement thyroïdien chez l’une des jumelles."

La deuxième pathologie concerne le syndrome de résistance à la TSH, caractérisé par une insensibilité de la thyroïde à l’hormone TSH, stimulant la synthèse d’hormone thyroïdiennes. Des mutations dans le récepteur de la TSH sont une cause fréquente de ce syndrome, mais un phénotype identique est également observé en l'absence de mutations du récepteur. “En collaboration avec le Département de génétique de l’ULB et l'Université de Chicago, l’IRIBHM a identifié un variant génétique lié à ce syndrome. En utilisant des organoïdes porteurs de ce variant, nous chercherons à comprendre les mécanismes moléculaires régissant la sensibilité de la thyroïde à la TSH."
 

Ambition diagnostique et thérapeutique

L’ambition de Sabine Costagliola va au-delà de la seule recherche fondamentale :“Le Prix Generet me donne la liberté d’explorer toutes les hypothèses et, potentiellement, d’ouvrir la voie à de nouveaux outils diagnostics et, à plus long terme, à de nouvelles solutions thérapeutiques."

Si vivre sans thyroïde ou avec une thyroïde dysfonctionnelle est possible, cela implique toutefois de prendre des hormones de synthèse à vie. Sabine Costagliola : “Un traitement ne peut jamais remplacer à 100 % une thyroïde normale. De plus, les besoins en hormones évoluent tout au long de la vie, nécessitant de fins ajustements constants. Pour certains patients, on ne trouve jamais réellement les doses optimales, ce qui affecte leur qualité de vie au quotidien. On ne peut pas se contenter que les patients aillent plus ou moins bien, il faut viser plus loin. Si un jour, on arrive à franchir un cap en greffant une thyroïde fonctionnelle aux patients, cela leur offrirait un confort de vie incroyable."

Le prix Generet lui a été remis le vendredi 15 mars 2024 par la princesse Astrid.

© Aurore Delsoir

© Aurore Delsoir