Publié le 12 juin 2025
– Mis à jour le 17 juin 2025
Après une longue recherche au sein de l’Office des étrangers, Carla Mascia, chargée de cours au sein de la Faculté de Philosophie et Sciences Sociales et chercheuse au Groupe de recherche sur les relations ethniques, la migration et l’égalité (GERME) de l’ULB, a étudié le pouvoir discrétionnaire des fonctionnaires en charge de la politique migratoire.
« Le travail des fonctionnaires qui appliquent les textes demeure peu connu ; entre la survisibilité des politiques migratoires dans les débats politiques et médiatiques et la relative invisibilité de leur exécution, il y a un paradoxe », observe Carla Mascia, docteure en sociologie ayant publié son travail de thèse en 2022 dans un ouvrage intitulé « Administrer le regroupement familial. Construire l’indésirable, justifier l’indésirabilité » et plus récemment l’article « To Comply or Not to Comply, That Is the Question : The Street-level Implementation of Jurisprudence by Migration Officers ».
Le texte et son application
Pour la chercheuse, la question de la mise en oeuvre des politiques migratoires est centrale, car les politiques sur papier « n’existent concrètement pour les migrants que parce qu’elles sont mises en œuvre. »
Son étude, ethnographique, se penche particulièrement sur l’application des dispositions encadrant le regroupement familial, principale porte d’entrée légale en Belgique, par l’Office des étrangers.
Pouvoir discrétionnaire
Le manque de moyens et la difficulté de respecter les délais légaux amènent les fonctionnaires à catégoriser les dossiers selon le « risque » qu’ils représenteraient. Si les agents trouvent le dossier trop « à risque » et veulent le refuser, leur refus doit être motivé en droit. Cela peut aboutir à un recours auprès du Conseil des contentions des étrangers, dont les fonctionnaires tentent dès lors d’« anticiper » la décision du Conseil. Cependant, Carla Mascia montre que la relation de fonctionnaires à jurisprudence ne se réduit pas à une mise en conformité. L’administration peut aussi refuser d’appliquer ces décisions et les contester devant un juge pour tenter d’influencer la jurisprudence. L’administration peut donc faire preuve d’activisme juridique.
Une tension entre pouvoir exécutif et pouvoir judiciaire qui demeure, aujourd’hui encore, très actuelle.