Publié le 17 mai 2024 Mis à jour le 22 mai 2024

De gauche à droite, les extrêmes gagnent du terrain. Quels sont les facteurs psychologiques qui influencent nos comportements politiques et expliquent cette montée dans les intentions de vote ? Rencontre avec Jasper Van Assche, professeur en psychologie politique.

Jasper Van Assche est chargé de cours au Centre de Recherche en Psychologie Sociale et Interculturelle (CESCUP) -Faculté des Sciences psychologiques et de l'éducation. Sa recherche porte, d’un côté, sur les relations intergroupes (les interactions entre différents groupes sociaux – groupes genrés, racisés et linguistiques) et de l’autre, sur la psychologie politique qui explore comment les opinions politiques se forment et évoluent.

Si les vendeurs de voitures ont longtemps été considérés comme les professionnel·les les moins dignes de confiance, c'est aujourd'hui aux politicien·nes que revient ce titre, selon une enquête de Ipsos menée en 2019 auprès de 20 000 citoyens de 31 pays.

La confiance envers la politique n’a jamais été aussi basse, surtout aux États-Unis, où elle est passée de 70 % dans les années 60 à environ 30 % aujourd'hui.

Et si l'on manque de confiance, pourquoi et pour qui se rendre aux urnes ? Outre cette méfiance, on observe un mécontentement, une colère, voire un "dégoût" pour la politique actuelle, qui polarise davantage la société et pourrait expliquer, nous dit Jasper Van Assche, un virage, à gauche ou à droite, vers les extrêmes.
 

Le cynisme politique : au-delà de la simple méfiance

Jasper Van Assche et ses collègues Olivier Klein et Alain Van Hiel - professeurs de psychologie sociale (ULB et UGent) - ont récemment mené une étude sur ce qui pousse vers ce désamour politique et mène à se tourner vers des politiques d'extrême gauche ou droite : "Faut-il craindre la polarisation politique en Belgique ?".

Le facteur qui explique le plus ce phénomène : le cynisme politique, une forme de mépris à l’égard de l’establishment politique. Un cynisme alimenté par une émotion forte, la colère, observée parmi les cyniques recherchant des informations qui confirment leurs opinions et qui, ainsi, renforcent leur méfiance. Cette dynamique, amplifiée par les réseaux sociaux, crée des caisses de résonance où les opinions extrêmes se renforcent mutuellement - c'est ce qu'on appelle en psychologie le biais de confirmation.

Cette colère et ce dégoût envers les politiques en place sont compris (et repris) dans les discours populistes, qui séparent la société en deux groupes : le peuple pur, et l'élite corrompue. Un peuple qui a des revendications, et une élite qui ne devrait qu'écouter et les appliquer. "Trump en est un parfait exemple", nous dit Jasper. "Il est multimillionnaire, mais il a réussi à faire croire aux gens qu'il était l'un d'entre eux."

"En Flandre, nous avons observé que le populisme est élevé parmi les électeurs de l'extrême droite, comme le Vlaams Belang, et de l'extrême gauche, comme le PTB. Nous avons analysé les données des élections de 2010 à 2019 et constaté que le cynisme politique est une motivation commune pour ces électeurs", nous explique Jasper Van Assche.
 

L'extrême sur son cheval blanc

Contre l'establishment, deux figures reviennent souvent dans les discours extrémistes. Celle de la victime, et celle du sauveur : ils ont échoué, nous avons la solution !

Comme l'explique Jasper Van Assche, la stratégie principale de ces discours est de mettre en évidence le fait que "il y a un problème dans notre pays, les politiques actuellement au pouvoir n'écoutent pas, et nous sommes les seuls qui peuvent résoudre ce problème". En différenciant l'extrême gauche, anti-capitaliste, et l'extrême droite, anti-migration. 

 

Les différentes crises traversées par la société (climatique, sanitaire), les événement mondiaux (guerre russo-ukrainienne, israélo-palestinienne), les angoisses et incertitudes (économiques, migratoires) sont tant de facteurs qui entrent en compte dans les décisions de vote et peuvent mener se tourner vers "d'autres" partis que ceux en place.

"Ce qu'il y a avec la psychologie politique, c'est qu'on ne peut jamais tout mesurer en même temps", d'autres recherches seront à venir, termine Jasper Van Assche.