Publié le 14 septembre 2023 Mis à jour le 19 septembre 2023

L’ULB et l’UMONS partagent une ambitieuse vision pour le développement territorial hainuyer. Engagées ensemble depuis vingt ans dans la région, les deux universités ont la volonté de consolider et pérenniser leurs partenariats. Annemie Schaus et Philippe Dubois l’illustrent cette année par une rentrée académique conjointe à Charleroi tout à fait inédite et la création d’une association commune baptisée « Marie Mineur ».

Les équipes rectorales des deux universités ont émis la volonté de donner à leurs partenariats existants des fondations solides et une gouvernance harmonisée grâce à la création d’une association, véritable moteur de la vision partagée par les deux universités: dans l’environnement compétitif de l’enseignement supérieur, elles privilégient la création de synergies et de collaborations pour contribuer au développement socio-économique du bassin de vie hainuyer.

Pour concrétiser leur rapprochement, les deux universités ont décidé de poser un geste symbolique fort lors de la rentrée académique 2023-2024. Elles organiseront ensemble pour la première fois, ni à Bruxelles, ni à Mons, mais bien à Charleroi leur cérémonie solennelle de rentrée.

En partenariat avec la Ville et la Province, la cérémonie se tiendra dans le bâtiment Zénobe Gramme, transfiguré par les 47 millions d’euros investis ces 40 derniers mois dans sa rénovation grâce au soutien public de l’Union européenne et de la Région wallonne. Avec les bâtiments Solvay et Maçonnerie voisins, dès septembre, le CampusUCharleroi aura fière allure avec ses 20.000 m² et 3.000 étudiantes.

Esprit libre: Qu’est-ce qui motive votre volonté de continuer à investir ensemble dans le développement du bassin de vie hainuyer?

Annemie Schaus:
Nos activités de recherche sont présentes au Biopark de Gosselies depuis 25 ans. Elles nous ont permis de développer tout un écosystème ouvert sur le monde entreprenarial et industriel. Nous avons cependant toujours considéré que le Hainaut, et particulièrement Charleroi, était en déficit d’enseignement universitaire, pour ne pas dire en défaut total. Nous voulions réinvestir et offrir aux jeunes des formations de qualité proches de chez eux. Ce développement régional a toujours été une priorité pour nos deux universités.

Philippe Dubois: De manière complémentaire, cela fait 45 ans que l’UMONS est installée à Charleroi. Aujourd’hui, nous comptons 1.100 étudiants et 6 de nos 10 facultés y sont implantées. Les cours sont donnés par les mêmes professeurs que ceux qui officient à Mons mais les tailles de cohortes plus réduites nous permettent de tester des méthodes d’apprentissage innovantes. Ces dernières années, nous avons également développé trois bacheliers et deux masters conjoints avec l’ULB.

EL: Dans l’environnement compétitif actuel de l’enseignement supérieur, 57 nouvelles accréditations ont été attribuées. Le nouveau bachelier en communication numérique à Charleroi en fait-il partie?

PhD: Entre autres oui! L’ULB est en effet l’université de référence d’un ambitieux bachelier pour la maîtrise des outils numériques adaptés à la communication et à l'information, que nous lancerons lors de la rentrée 2024, avec cinq partenaires: UMONS évidemment mais aussi UCLouvain et deux haute-écoles, Galilée et Condorcet. Ça aussi c’est une avancée significative. Il s’agit d’éviter le saupoudrage et d’utiliser au mieux les deniers publics en optimisant les investissements financiers (infrastructure, personnel, équipement et fonctionnement) associés à des projets communs. Nous ne souhaitons pas participer à la course effrénée à l’étudiant. Nous préférons augmenter les moyens dédiés aux projets de collaboration, créer des plateformes de partage d’informations et faciliter les investissements communs.
 

Annemie Schaus et Philippe Dubois

Pour Annemie Schaus et Philippe Dubois, l’ambition est claire:

« Doper l’accès à l’enseignement supérieur en Hainaut pour des jeunes en leur proposant une offre de proximité géographique mais aussi de proximité pédagogique. Certains jeunes ont besoin de davantage d’encadrement quand, au niveau familial, l’accès aux études universitaires n’est pas un schéma habituel! »
 

EL: Pouvez-vous nous en dire plus sur l’enseignement de proximité que vous proposez?

PhD: Psychologiquement et socialement, la population hainuyère n’a pas eu cet accès ou cette ambition d’accès à l’enseignement universitaire. Nombre de nos étudiants n’ont pas bénéficié d’un encadrement social ou familial qui les a ouverts à cette possibilité. On dit souvent qu’il faut une université de proximité. Mais on oublie souvent que dans proximité, il y a deux notions: la proximité géographique et la proximité pédagogique ; les sociologues le démontrent. Ce que nous faisons ici, ce n’est pas seulement offrir une proximité géographique. C’est aussi une proximité dans le mode d’enseignement, dans le mode d’accompagnement pédagogique. Nous savons qu’ici nous avons une mission particulière, singulièrement vis-à-vis de nos nouveaux étudiants.

AS: Pour vous donner des chiffres, le taux de diplômés de l’enseignement supérieur atteint 40% de la population dans le Brabant wallon. A Charleroi, cela représente seulement 22% de la population et descend jusqu’à 15% dans certains arrondissements hainuyers. C’est donc un sacré défi! Je suis Carolo mais ma maman m’a poussée à aller à l’université. Quand j’ai quitté Mont-sur-Marchienne pour aller à l’ULB, j’avais très peur. D’abord de Bruxelles ; ensuite de cette grande université. Quand on vit à Charleroi, on n’a pas été en contact avec les universités donc c’est un monde impressionnant. D’autant plus quand on fait partie de la première génération d’enfant à pousser les portes universitaires. Donc, comme le dit Philippe, l’enseignement de proximité n’est pas seulement géographique, il est aussi psychologique et pédagogique. C’est la force de notre enseignement ici.

PhD: Le taux de boursiers à l’UMONS en atteste. En moyenne, nous avons 27% de boursiers à l’entrée du bachelier. A Charleroi, le nombre monte à 40%. Ce qui est tout à fait remarquable, ce n’est pas tant la différence à l’entrée mais surtout l’évolution sur les trois premières années de bachelier. Habituellement, le nombre diminue et passe de 27% à 20-22%. A Charleroi, il augmente de 40% à 60-63%. Parce qu’ils réussissent! 

AS: C’est la preuve que ce développement est nécessaire, que l’université est un fabuleux ascenseur social et que cet investissement est fructueux pour tout le monde. Pour la Ville et la Région aussi. Les moyens des universités sont insuffisants pour se déployer partout, mais chaque euro investi ici prend tout son sens.

EL: Quels sont les nouveaux projets qui résultent de votre partenariat?

AS: L’ambition porte aussi sur le développement des formations continues.

PhD: Nous avons par exemple lancé ensemble en 2022 le premier certificat belge en intelligence artificielle dans les soins de santé. Il s’adresse aux professionnels de la santé. AS : Cette formation rencontre un franc succès! Nous venons par ailleurs de recevoir un financement conséquent du Fonds social européen (FSE) pour développer l’enseignement en alternance. Cela ouvre l’opportunité, pour les étudiants et les jeunes travailleurs cette fois, de se spécialiser tout en travaillant. Ce système est très développé en France, moins en Belgique, c’est vraiment une formation pédagogique prometteuse.

EL: En quoi la formation en alternance représente-t-elle une voie d’avenir?

PhD: Je pense que, singulièrement à Charleroi, ça répond à une demande explicite de reprise d’études. Pendant des années, les jeunes de 18 ans n’avaient pas accès à l’enseignement universitaire de proximité. Ils sont donc nombreux à s’être lancés sur le marché du travail. Maintenant qu’ils ont pris en expérience et qu’on offre localement cet enseignement universitaire, ils répondent présents. En parallèle de leur travail, ils reprennent donc des études en adéquation avec les métiers en pénurie. Comme Annemie vient de le souligner, c’est tout à fait nouveau. Nous ne sommes pas pionniers, loin de là, l’Allemagne le faisait déjà, les pays nordiques et la France aussi. Le subside que nous avons obtenu du Fonds social européen (FSE) y contribuera financièrement et nous donnera une impulsion pour continuer à développer ces activités à l’avenir. 

 
Création de l'ASBL Marie Mineur

L’ULB et l’UMONS se sont reconnues dans le parcours de cette pionnière féministe d’origine modeste, Verviétoise de naissance et dont on aurait commémoré le centenaire de la mort le 18 mai 2023. Ouvrière de l'industrie textile, Marie Mineur fut l’une des premières militantes féministes belges. Elle fit de l'amélioration des conditions de travail des femmes et des enfants son premier combat, vite suivi par celui de l’émancipation des droits des femmes en général, ou de la laïcité.

Symbole de la vision partagée par l'ULB et l'UMONS, qui privilégient la création de synergies et de collaborations pour contribuer au développement socio-économique du bassin de vie du Hainaut, cette asbl participera notamment à la dynamisation du développement territorial au travers de projets conjoints. « Ce n’est pas du tout un pas vers une fusion. Chaque partenaire conserve son identité propre au sein de l’association. Mais nous voulions nous doter d’un outil souple et efficace capable de donner un cadre légal destiné à renforcer notre collaboration existante et nos projets conjoints au bénéfice de la Province de Hainaut, de sa jeunesse et de son économie! ». Annemie Schaus et Philippe Dubois, respectivement rectrice de l’ULB et recteur de l’UMONS, parlent d’une voix lorsqu’ils évoquent leur vision pour la Province de Hainaut et qu’ils dévoilent la toute nouvelle ASBL Marie Mineur, créée par les deux universités en juin 2023.

Partenaires depuis de longues années déjà sur le sol hainuyer, l’UMONS et l’ULB partagent de nombreuses valeurs. Les membres de leurs communautés respectives se sont engagés dans un grand nombre de projets communs et ce, dans les trois missions universitaires (recherche, enseignement et engagement sociétal) et le nombre de ces projets n’a eu de cesse d’augmenter ces dernières années.

Pour matérialiser ce rapprochement fort, les deux universités ont opté pour la création d’une ASBL. Baptisée Marie Mineur, cette association a pour ambition d’incarner la vision partagée par les deux universités au bénéfice de la Province de Hainaut, son économie et ses habitants.

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