1. Actus & Agenda
  2. FR
  3. Grand angle
  4. 12 mois,12 expert·e·s

12 mois 12 experts | Alerte rougeole!

Avril 2019: l'OMS tire la sonnette d'alarme concernant les épidémies de rougeole

En avril 2019, l’Organisation Mondiale de la Santé tire la sonnette d’alarme : les cas de rougeole ont bondi de 300% durant les trois derniers mois à travers le monde. En Europe, les épidémies se multiplient depuis vingt ans et la Belgique peine à atteindre le seuil vaccinal de 95%. Un problème chronique, amplifié par le mouvement "anti-vaccin".

icone loupe En 2019, la Belgique aura connu une épidémie de rougeole avec 365 cas recensés entre janvier et juin, soit trois fois plus de malades que l’année précédente. Les pics épidémiques de rougeole sont fréquents en Europe depuis les vingt dernières années :  2002 en Italie, en 2009, la France (20000 cas de rougeole et 10 morts), 2010 en Bulgarie… Sans compter les épidémies à répétition un peu partout depuis 2016. L’objectif de l’Organisation Mondiale de la Santé d’éradiquer la rougeole d’ici 2020 ne sera pas atteint.

Et les spécialistes le savent : de nouvelles vagues épidémiques peuvent démarrer à tout moment !

Comment expliquer ces épidémies, alors qu’un vaccin efficace contre la rougeole existe depuis 1966 ? La réponse tient en deux mot : couverture vaccinale.

95% : l’idéal à atteindre

La rougeole est l’une des infections les plus contagieuses au monde, avec 15 à 20 nouvelles contaminations par patient touché. Il n’existe actuellement pas de traitement curatif, et la maladie reste l’une des causes importantes de mortalité chez l’enfant.

Pour contrer l’expansion de ce virus, les modèles mathématiques préconisent un taux de vaccination de 93 à 95% lors de l’administration de la deuxième dose du vaccin. Ce taux garantit une protection de toute la population, y compris des personnes non-vaccinées et des patients fragiles, plus susceptibles d’attraper et développer la maladie. Les patients infectés contribuent donc, malgré eux, à contaminer les personnes plus exposées, chez eux mais également dans les autres pays du monde.

La responsabilité est donc collective, à l’échelle d’une localité, d’une région, d’un pays, d’un continent et même au niveau mondial.

Et c’est là que le bât blesse : si le nombre d’enfants vaccinés contre la rougeole n’a jamais été plus élevé, les progrès sont inégaux d’un pays à l’autre et même au sein d’un même pays. Ainsi, en Belgique, la vaccination atteint 95% pour la première dose du vaccin, administré à l’âge d’un an. Pour la dose de rappel, une dizaine d’années plus tard, seuls 75.5% des Wallons sont vaccinés, contre 90% des habitants de la Région Bruxelloise. Lutter contre les disparités locales est nécessaire afin d’atteindre cet objectif – lointain mais pas impossible – des 95% de couverture vaccinale.

Mieux former et informer

Cette responsabilité collective se traduit bien évidemment par une responsabilité individuelle, et notamment la vaccination des enfants. Le plan d’action européen pour les vaccins préconise de mieux informer la population et de contrer le sentiment anti-vaccination.

En 2018, notre équipe a réalisé, à l’Université libre de Bruxelles, une étude sur les préoccupations parentales concernant la vaccination, avec un petit nombre de parents bruxellois. Nous avons mis en évidence les principaux facteurs de réticence à la vaccination et surtout le fait que les professionnels de la santé et l’information disponible influencent ces réticences.

L’étude pointait également le rôle sous-estimé du pharmacien comme source d’information, ainsi que la demande d’une information sur la vaccination avant la naissance de l’enfant.

Information et formation vont donc de pair. Améliorer la formation initiale et continue des soignants concernant la vaccination semble être un point crucial. Certaines données françaises suggèrent même que l’hésitation du public est probablement aussi le reflet d’une certaine hésitation au niveau des soignants. Pareille hésitation n’a pas lieu d’être et nous devons donc, en tant qu’enseignants, investir plus de temps pour contrer cette méconnaissance des soignants.

Les professionnels de la santé devraient également occuper l’espace médiatique et développer de nouveaux moyens de communication pour informer la population. En 2018, le Groupe Interuniversitaire d'Expert en Vaccinologie (GIEV) organisait son premier « symposium vaccination de Saint-Valentin » : le but était de récolter au préalable un maximum de questions relatives à la vaccination et de consacrer une journée à y répondre. Une manière parmi d’autres d’occuper l’espace de l’information, qui répond à une demande : près de 250 personnes ont participé à l’évènement.

Un vaccin efficace

Les recherches scientifiques continuent par ailleurs pour tenter de trouver un traitement curatif contre la rougeole ou un vaccin encore plus efficace. Cependant, le vaccin disponible actuellement a déjà un profil sécuritaire et une efficacité excellents. La clé du succès dans le combat contre cette maladie se trouve donc probablement plus dans l’amélioration des stratégies vaccinales et l’information du public. Et les professionnels de la santé ont définitivement un rôle important à jouer dans ce combat.

Article écrit par Pierre Smeesters et Natacha Jordens 

Mis à jour le 16 décembre 2019