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12 mois 12 experts | Paris & Bruxelles, sans voiture?

Septembre 2019: journée sans voiture dans les grandes capitales

Réduire la circulation automobile en ville est devenu un objectif citoyen et un outil de marketing. Les initiatives se multiplient: “Paris Respire”, “Bruxelles sans voiture”, etc. Mais l’impact reste encore fort timide.

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Paris Respire... Désormais, un dimanche par mois, quatre arrondissements de Paris sont fermés aux voitures. Action avant-gardiste contre la pollution automobile ou simple coup de pub? Un peu des deux…

Depuis la fin des années 2000, Paris s’illustre par différentes mesures “phares” contre la pollution automobile: l’aménagement des berges de la Seine pour les modes doux (piétons, cyclistes…) et la généralisation de la zone 30km/h dans de nombreux arrondissements en sont deux illustrations majeures. Mais Paris Respire est aussi une action de marketing urbain, destinée en particulier à séduire les touristes. D’ailleurs, les quatre arrondissements piétons un dimanche par mois sont les 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements où se concentrent les monuments historiques et musées.  

Et en cela, Paris Respire rejoint Bruxelles sans voiture, une action événementielle, une “fête” annuelle qui touche “la zone fermée aux voitures la plus importante d’Europe”, lit-on sur le site web de la dernière édition.

L’espace de quelques heures, les Bruxellois se réapproprient leur ville; les touristes en profitent aussi. Et le lundi matin, retour à la normale, aux coups de klaxon et aux embouteillages?

C’est en effet une des principales critiques adressées : les journées sans voiture se plaçant un dimanche ne contribueraient pas à changer nos habitudes de mobilité en semaine, lorsqu’il y a les enfants à conduire à l’école, le bureau à atteindre à l’heure, les courses à faire, etc.  Or, c’est là que résidait l’intérêt du concept lorsqu’il a été proposé en 1998, dans le cadre de la Semaine européenne de la mobilité: la journée sans voiture devait avoir lieu le 22 septembre, donc pas à chaque fois un dimanche.

Bruxelles n’est pas Paris

Si les Bruxellois et les Parisiens marchent dans leur ville; ils ont aussi l’habitude d’utiliser d’autres modes de locomotion. A Bruxelles, selon l’enquête Beldam de 2010, les habitants se déplacent certes à pied (37%), mais aussi en voiture (32%) et enfin en transports publics (25%). A Paris, c’est également la marche à pied qui vient en tête (49%) mais elle est suivie par les transports en commun (34%) et la voiture ne vient que loin derrière avec 11% des Parisiens qui l’utilisent.

Près d’1 Bruxellois sur 3 prend donc sa voiture pour circuler en ville, en semaine.

Pendant un siècle, la voiture a été centrale dans la capitale belge, les infrastructures et les aménagements urbains ont suivi. Certes, depuis une vingtaine d’années, la Région bruxelloise mène une politique en faveur des mobilités actives et des transports en commun, mais la voiture continue à dominer.  Et les Bruxellois ne sont pas les seuls à rouler dans “leur” ville : 60% des trajets entrant et sortant de Bruxelles se font en voiture. Et oui, si le trafic automobile tend à diminuer légèrement en Région de Bruxelles-capitale, en revanche, il augmente en périphérie.

Le péage, une solution?

Quelle réponse apporter? Une piste pourrait être d’imposer un péage à l’entrée de Bruxelles. Mais cela remettrait en question le droit à la ville comme lieu d’opportunités d’emplois, de rencontres, d’éducation, de culture… Et cela pénaliserait des hommes et des femmes qui n’ont parfois pas les revenus suffisants pour vivre aussi confortablement dans la capitale qu’en périphérie.

Une autre piste d’action originale serait de densifier la périphérie qui dispose de vastes espaces de stationnement. L’idée serait de remplacer les parkings par des logements, des écoles, des commerces, des entreprises, etc.; bref, d’y développer une vie socio-économique et culturelle tout en y proposant des modes de déplacement doux tels que marche à pied ou vélo. La solution passerait donc par les aménagements territoriaux et l’évolution des modes de vie.

Et si la réponse venait naturellement de la jeune génération qui, depuis près d’un an, manifeste pour le climat? Les mobilités actives rencontrent en effet plus de succès jour après jour; mais elles restent encore souvent l’apanage d’une certaine élite intellectuelle et sociale, désireuse de ralentir le rythme et de transformer les moments de déplacement en moments de détente. La jeune génération, elle, obtient de plus en plus tard le permis de conduire et achète moins de voitures. Alors serait-elle prête pour  les mobilités douces? Rien n’est moins sûr à la lecture d’une enquête du Lasur (EPFL) qui montre la prégnance d’une vision positive de la voiture auprès des adolescents européens interrogés: comme leurs aînés sans doute, ils associent l’automobile à l’émancipation et au passage à l’âge adulte. Martelé par le lobby automobile, “La voiture, gage de notre liberté personnelle” reste un des mythes de notre société…

Article écrit par Claire Pelgrims et Nathalie Gobbe 

Mis à jour le 16 décembre 2019