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Chutes, rééducation… : la réalité virtuelle au service de l’équilibre?

Publié le 2 octobre 2024 Mis à jour le 2 octobre 2024

Faire un travail de rééducation dans un environnement de réalité virtuelle immersif pourrait aider à améliorer l’équilibre et, par exemple, prévenir les chutes chez des personnes âgées. Un article de Stéphane Baudry, Faculté des Sciences de la Motricité humaine, pour The conversation.

La réalité virtuelle immersive est une technologie innovante qui transforme notre façon d’interagir avec le monde numérique. Elle permet aux utilisateurs de plonger dans des environnements artificiels tridimensionnels, en créant une expérience sensorielle complète qui va au-delà des simples interfaces bidimensionnelles traditionnelles.

Les dispositifs d’interface de réalité virtuelle ont été appliqués dans divers domaines, y compris le divertissement, la défense militaire, la remise en forme et la rééducation. L’intégration récente de la réalité virtuelle dans le domaine de la rééducation permet notamment de créer des environnements stimulants adaptés aux patients qui améliorent de manière significative les capacités fonctionnelles et physiques, lesquelles sont accompagnées par des adaptations physiologiques au niveau du système nerveux.

Contribuer à la rééducation motrice après un AVC

La réalité virtuelle peut notamment contribuer à la rééducation motrice à la suite d’un accident vasculaire cérébral (AVC) au moyen de ce que l’on appelle la thérapie miroir.

La thérapie miroir est une technique de rééducation qui utilise traditionnellement un miroir pour créer une illusion visuelle de mouvement normal d’un membre. Concrètement, on demande au patient de faire des mouvements simples avec ses deux bras en même temps. Le bras affecté est caché et son image remplacée par celle du bras sain qui est reflétée dans un miroir.

La thérapie miroir en réalité virtuelle correspond à une version moderne de cette méthode dans laquelle les patients voient une représentation virtuelle de leur membre affecté se déplacer de manière synchrone avec les mouvements du membre sain.

Cette illusion de bon fonctionnement envoie au cerveau des retours visuels positifs, ce qui peut aider à soulager la douleur, réduire les gonflements et améliorer les fonctions motrices et la coordination. Cette thérapie repose sur la neuroplasticité du cerveau, c’est-à-dire sa capacité à créer de nouveaux circuits neuronaux pour restaurer les fonctions sensorielles et motrices.

De manière virtuelle : interagir avec une cuisine, manipuler des objets…

Un autre exemple de l’utilisation de la réalité virtuelle dans le cadre de la rééducation motrice consiste à réaliser des exercices avec le membre affecté pour atteindre et saisir des objets dans un environnement virtuel, interagir avec une cuisine virtuelle ou manipuler des objets.

Ces exercices de rééducation motrice visent à améliorer le contrôle des mouvements, la coordination et les capacités fonctionnelles, en sollicitant activement le membre affecté dans des actions précises.

Système sensoriel et position debout

Ces dernières années, la recherche scientifique s’est notamment penchée sur les apports possibles de la réalité virtuelle dans les interventions visant à améliorer l’équilibre postural, c’est-à-dire notre capacité à maintenir la position debout. Une diminution de cette capacité d’équilibration augmente le risque de chute lors de nos activités quotidiennes.

Le contrôle de l’équilibre repose sur l’intégration des informations sensorielles, principalement fournies par les systèmes visuel, vestibulaire (au niveau de l’oreille interne) et proprioceptif (sens de la position du corps et de ses mouvements).

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Plusieurs théories et modèles expliquent les mécanismes par lesquels le système nerveux gère ces différentes informations. Le modèle principal suppose que les informations transmises par les systèmes sensoriels sont combinées et qu’une pondération leur est attribuée en fonction :

  • de la pertinence des informations générées par chaque système ;

  • des caractéristiques de la tâche posturale ;

  • du contexte dans lequel la tâche est effectuée.

Pendant ce processus, il est attribué une forte pondération au système sensoriel fournissant les informations les plus pertinentes, et une moindre pondération aux autres systèmes sensoriels.

L’altération de ce processus de pondération sensorielle contribue à augmenter le risque de chute observé chez des personnes vieillissantes en bonne santé ainsi que chez les patients souffrant de troubles neurologiques.

Simuler des déplacements par réalité virtuelle

Dans ce cadre, la réalité virtuelle peut créer de véritables défis sensoriels qui obligent le système nerveux à s’adapter en améliorant les processus d’équilibration.

Partant de ce postulat, nous avons mené une étude avec 55 jeunes adultes pour comprendre ce que pourrait engendrer une exposition répétée à un environnement virtuel qui simulait des déplacements d’une marche vers l’avant ou vers l’arrière.

L’approche expérimentale reposait sur le fait que la réalité virtuelle, en simulant un déplacement par un stimulus visuel, créerait un conflit avec les autres sources sensorielles qui, elles, ne détecteraient pas de déplacement, obligeant ainsi le système nerveux à ajuster le contrôle de l’équilibre.

Une analogie simple à ce contexte expérimental se retrouve dans une situation que nous avons déjà toutes et tous expérimentée : celle où, alors que nous sommes assis dans un train à l’arrêt, le train d’à côté part. Notre première impression laisse à penser que notre train démarre (information fournie par notre vision). Puis, nous réalisons que ce n’est pas notre train mais le train voisin qui se déplace.

Cette prise de conscience vient de la confrontation de l’information visuelle avec les autres informations sensorielles. On observe donc une pondération des sources d’information pour gérer ce conflit sensoriel afin de rendre compte de la situation réelle.

Le virtuel pour améliorer l’équilibre dans le réel

Les résultats de notre étude mettent en évidence une amélioration du contrôle de l’équilibre après l’exposition à la réalité virtuelle qui s’observe non seulement dans l’environnement virtuel dans lequel les participants ont été entraînés mais aussi dans l’environnement réel.

Ce point est essentiel puisqu’il renforce l’idée selon laquelle la réalité virtuelle pourrait être un outil d’amélioration des capacités d’équilibre dans des activités de notre quotidien.

En effet, cette étude montre que l’amélioration de l’équilibre qui fait suite à l’entraînement en réalité virtuelle s’accompagne d’une modification des processus sensorimoteurs propres au contrôle de la station debout, en diminuant notamment l’importance de l’information visuelle. Cela se traduit par une moindre utilisation de l’information visuelle pour contrôler les balancements posturaux.

Demain, recourir à la réalité virtuelle en prévention des chutes ?

Or, le vieillissement entraîne une plus grande utilisation des informations visuelles pour contrôler l’équilibre, ce qui limite le processus de pondération sensorielle décrit plus haut.

Les résultats de cette étude montrent que la réalité virtuelle pourrait donc limiter voire inverser cette surutilisation des informations visuelles, et ainsi diminuer le risque de chute.

Cette approche pourrait également être utilisée pour d’autres populations, comme les patients ayant été victimes d’un accident vasculaire cérébral (AVC), puisqu’il a été montré que la réalité virtuelle pouvait être utilisée chez ces patients afin de travailler leur équilibre.

En conclusion, cette étude, avec d’autres, tend à montrer que la réalité virtuelle pourrait jouer un rôle dans la prévention et la rééducation des problèmes d’équilibre, allant bien au-delà de l’aspect ludique auquel elle est souvent réduite.

Par ailleurs, bien d’autres applications de la réalité virtuelle se développent dans le domaine biomédical, révolutionnant pour certaines les approches en place depuis des décennies.The Conversation

Stéphane Baudry, Professor, Université Libre de Bruxelles (ULB)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.