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Extrême droite et personnes LGBTQIA+ des relations bien plus complexes qu’il n’y paraît

Publié le 29 mars 2023 Mis à jour le 7 avril 2023

Malgré ce que laisseraient penser nos perceptions traditionnelles des partis de droite radicale, la relation entre ces derniers et les thématiques touchant aux personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queers, intersexuées, asexuées et plus (LGBTQIA+) est bien plus complexe que cela ne puisse paraitre. Focus sur les recherches de Romain Biesemans, chercheur au Centre d’étude de la vie politique.

Les partis de droite radicale ont historiquement partagé des postures et discours homogènes concernant leurs conceptions de la famille. Ce modèle, binaire, hétéronormé et considérant le mariage comme une union entre un homme et une femme domine encore aujourd’hui les programmes et discours de ces partis. Au sein de ces positions et discours, les thématiques de genre touchant aux questions des personnes et thématiques LGBTQIA+ et transcendant les conceptions binaires ne trouvent que peu d’alliés. Cependant, plusieurs partis de droite radicale ont fait évoluer leurs approches concernant les personnes lesbiennes, gays et bisexuelles ; se démarquant dès lors de la perception traditionnelle de ces partis caractérisées par une intolérance exacerbée et décomplexées envers les personnes non hétéronormées. Ce processus d’acceptation des personnes gays et lesbiennes peut être appréhendée à travers la notion d’«homonationalisme». Conceptualisée par Jasbir Puar, cette notion fait référence à l’inclusion des personnes gays et lesbiennes comme faisant partie du corps national à défendre. Les personnes homosexuelles seraient dès lors intégrés par certains partis de droite radicale dans le « nous » à défendre face aux « autres » ; cet autre menaçant construit et caractérisé par le migrant, l’islam et le multiculturalisme dans les discours des partis de droite radicale.

Romain Biesemans, assistant doctorant au sein du Cevipol et de Transfo effectue actuellement des recherches sur les discours au sein des partis de droite radicale avec des recherches plus spécifiques sur les cas du Vlaams Belang (en Belgique), du Rassemblement National (en France) et de VOX (en Espagne).

Ces discours homonationalistes peuvent se retrouver chez plusieurs partis de droite radicale en Europe de l’Ouest que cela soit aux Pays-Bas avec le Partij voor de vrijheid (PVV) ou encore dans le cas du Vlaams Belang (VB). Dans ces deux cas, ces partis s’érigent comme des défenseurs de l’égalité pour les personnes homosexuelles en mobilisant une rhétorique anti-islam. Cependant, il est nécessaire de tempérer une hypothétique dimension « moderne » et « libérale » des partis de droite radicale envers les personnes LGBTQIA+, il est également important de souligner le soutien à géométrie variable qu’ils apportent, variant en fonction des individus concernés. En effet, les partis de droite radicale tels que le Rassemblement National (RN), le Vlaams Belang ou encore le Partij Voor de Vrijheid entendent défendre dans leurs discours les personnes homosexuelles et non les personnes LGBTQIA+ dans leur ensemble.

De plus, les personnes transgenres et intersexuées ne sont quasiment pas, voire pas, mobilisées par les partis de droite radicale. Pour le chercheur, considérer les partis de droite radicale comme « modernes » ne prend sens que dans le cadre de leur agenda nativiste. Malgré qu’une atténuation des discours et de l’agenda de certains partis de de droite radicale, il est difficile de parler d’ouverture totale pour plus d’égalité envers les personnes homosexuelles et encore plus lorsque l’on élargit aux personnes LGBTQIA+. Sans prendre position explicitement pour ou contre l’évolution de la situation des personnes LGBTQIA+, les partis de droite radicale que sont le Vlaams Belang, le Rassemblement National ou encore le Partij voor de Vrijheid adoptent la stratégie du silence ; stratégie permettant de ne pas perdre les électeurs anti-LGBTQIA+ ainsi que de maintenir ou d’attirer un électorat « homonationaliste ». Enfin, les postures « libérales » de certains partis de droites radicales envers les personnes LGBTQIA+ ne concernent que peu de partis de droite radicale en Europe. En effet, la construction de la personne non hétéronormée comme une menace est toujours dominante dans la famille des partis de droite radicale.