Publié le 27 janvier 2023
– Mis à jour le 27 janvier 2023
Des chercheurs découvrent un « sablier cellulaire » qui rythme de développement de notre cerveau.
Il faut plusieurs années au cerveau humain pour se développer complètement, alors que cela se produit beaucoup plus rapidement chez les autres espèces. On pense que la lente maturation du cerveau humain est importante pour son fonctionnement, mais quelle en est l’origine ? Une équipe de chercheurs menée par Ryohei Iwata, Pierre Casimir et Pierre Vanderhaeghen (VIB-KU Leuven Center for Brain & Disease Research et ULB Institut de recherche interdisciplinaire en Biologie humaine et moléculaire (IRIBHM), faculté de Médecine) a découvert que les mitochondries, l'usine d'énergie dans les cellules, sont responsables de la vitesse à laquelle le cerveau se développe. Cette découverte permet de mieux comprendre un aspect essentiel de l'évolution de notre espèce et a des implications importantes pour certaines maladies neurologiques. Leurs travaux ont été publiés dans Science.
Pierre Vanderhaeghen : « Nous avons découvert que les mitochondries donnent le rythme la maturation neuronale. Les neurones ont comme un sablier pour mesurer le temps, et ce sablier est fourni par les mitochondries. Il s'agit d'une étape importante pour comprendre l'un des plus grands mystères de la biologie : qu'est-ce qui rend le cerveau humain si distinct des autres espèces et pourquoi notre cerveau peut être si sensible à certaines maladies ? Nos découvertes pourront également être utilisées pour accélérer la recherche fondamentale et pharmaceutique sur les maladies neurologiques ou psychiatriques humaines, qui jusqu'à présent étaient fortement entravées par la lenteur du développement neuronal humain".
Les neurones du cerveau humain mettent beaucoup plus de temps à se développer que les neurones des autres espèces. Il leur faut des années pour atteindre leur pleine maturité, au lieu de semaines chez la souris par exemple. On pense depuis longtemps que cette croissance lente est cruciale pour les fonctions supérieures du cerveau humain. Des études antérieures du laboratoire Vanderhaeghen ont montré que ce sont les neurones eux-mêmes qui contrôlent leur tempo de développement, et non des facteurs externes, mais quels sont les facteurs impliqués ?
Les mitochondries sont responsables de la production d'énergie dans les cellules. Notre cerveau fonctionne grâce à l'énergie produite par les mitochondries. Ici, Vanderhaeghen et son laboratoire ont découvert que les mitochondries déterminent également la vitesse de développement du cerveau. Ces connaissances peuvent avoir un impact significatif sur l'étude des maladies neurologiques.
Ryohei Iwata, chercheur postdoctoral et premier auteur de l'étude : « Nous avons fait cette découverte parce que nous avons développé un nouvel outil génétique pour mesurer le temps de développement des neurones. Nous avons ainsi inventé une nouvelle méthode pour obtenir des neurones plus matures des mois à l'avance, ce qui sera très précieux pour la recherche médicale et pharmaceutique."
En effet, lors de l'étude des maladies neuronales in vitro, la lenteur du développement des neurones freine souvent la recherche. Imitant le rythme lent de maturation observé in vivo, la croissance des neurones humains cultivés en laboratoire prend plusieurs mois (années) pour atteindre la maturité. Cela les rend particulièrement difficiles à étudier expérimentalement. Désormais, les scientifiques pourront accélérer la maturation neuronale, ce qui leur permettra de mieux étudier la fonction cérébrale et les modèles de maladies neurologiques.
Ces travaux ont également des implications potentiellement importantes pour certaines maladies du cerveau. Il existe des maladies qui frappent les mitochondries et les patients affectés présentent souvent des symptômes cérébraux précoces, qui pourraient être expliqués par la découverte rapportée ici. À l'inverse, certaines maladies connues pour affecter le développement du cerveau humain, entraînant une déficience intellectuelle ou des troubles du spectre autistique, pourraient être liées aux mitochondries. L'équipe de Vanderhaeghen suivra ces questions importantes à l'avenir.