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Oscillations de Bloch d’un soliton de cavité dans une dimension synthétique : Lorsque la fibre optique met en lumière des phénomènes de physique du solide

Publié le 12 avril 2023 Mis à jour le 12 avril 2023

Des chercheurs ont réalisé une dimension synthétique pour la lumière au sein d’un anneau de fibre optique. Ce système ingénieux permet de simuler le mouvement périodique d’un électron dans un cristal et d’en étudier son comportement en présence d’interactions et de dissipation. En créant un soliton de lumière, les chercheurs ont démontré l’existence d’oscillations permanentes, malgré les effets préjudiciables de la dissipation. Cette découverte offre un fort potentiel pour l’étude et la modélisation de phénomènes complexes issus de la physique du solide et difficilement accessibles dans leur environnement naturel.

La formation de structures périodiques sous forme de réseaux optiques permet de simuler et d’étudier une grande variété de phénomènes complexes dans des domaines aussi variés que la physique du solide, la matière condensée ou la photonique. En particulier, l’extension de ces systèmes au-delà de leur dimensionnalité géométrique naturelle est un domaine de recherche en plein essor via l’implémentation de « dimensions synthétiques ». Afin de construire un tel espace synthétique, il convient d’exploiter un degré de liberté discret du système qui, associé à un mécanisme de couplage, permet d’imiter le mouvement d’une particule se déplaçant au sein d’un réseau cristallin. Une manière originale de créer une dimension synthétique en photonique est de l’implémenter dans le domaine des fréquences (longueurs d’ondes de la lumière), par exemple grâce à un résonateur optique. La périodicité imposée par le tour de cavité joue alors le rôle de règle optique et le réseau fictif peut alors être formé en couplant ces modes de fréquence via une modulation dynamique de la cavité.

La dimension synthétique qui en résulte est très similaire à celle formée par un cristal unidimensionnel, où les atomes sont couplés à leur voisin le plus proche. Par conséquent, on s’attend à observer des phénomènes issus de la physique de l'état solide. Entre autres, les dimensions synthétiques ont été exploités pour observer les oscillations de Bloch - le mouvement décrit par des particules confinées dans un potentiel périodique lorsqu'elles sont soumises à une force constante.  Ce phénomène – qui valut le Prix Nobel de physique en 1952 à Bloch – est connu pour disparaître lorsque le système est dissipatif ou en présence d’interactions. De fait, elles ne sont pas observées dans les solides.

C’est dans ce contexte que des chercheurs issus de deux laboratoires de l’ULB, du laboratoire interdisciplinaire Carnot de Bourgogne (Dijon) et de l’Université d’Auckland (NZ) ont implémenté une dimension synthétique dissipative, dispersive et non-linéaire pour étudier le devenir de ces oscillations. Grace à la non-linéarité du système, ils ont pu former une impulsion lumineuse particulière appelée « soliton de cavité » et observer des oscillations de Bloch permanentes malgré la dissipation. En plus de constituer la première démonstration expérimentale d’oscillation de Bloch dans un tel système, les propriétés intrinsèques du soliton de cavité permettent d’une part d’étendre la dimension synthétique bien au-delà des précédentes réalisations grâce à la formation d’un peigne de fréquences et d’autre part de sonder l’espace réciproque grâce à sa largeur temporelle ultra-courte.

Cette découverte offre un fort potentiel pour l’étude et la modélisation de phénomènes complexes issus de la physique du solide ou de la matière condensée et difficilement accessibles dans leur environnement naturel. Ces résultats ouvrent également la voie à de nouvelles applications, notamment en topologie photonique ou pour la génération de peignes de fréquences.

Ces travaux, effectués dans le cadre d’une collaboration internationale entre deux laboratoires de l’ULB (OPERA-Photonique et le Center for Nonlinear Phenomena and Complex Systems) ainsi que la France et la Nouvelle-Zélande ont été publiés dans la prestigieuse revue scientifique Nature Physics.