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« Réfugiés » ukrainiens : la question du double standard

Publié le 16 juin 2023 Mis à jour le 16 juin 2023

Le « double standard » dans l’accueil des « réfugiés » ukrainiens versus l’accueil des « migrants » s’est rapidement imposé dans la rhétorique politique et médiatique. Juridiquement, les Ukrainiens ne sont pourtant pas des « réfugiés » mais des « déplacés » bénéficiant d’une protection temporaire.

« Notre équipe de chercheures en sciences du langage a réalisé une étude reprenant quelque 6400 articles de presse publiés dans huit grands journaux belges (néerlandophones et francophones), français et néerlandais afin de voir comment on parlait des ‘réfugiés’ ukrainiens par rapport aux ‘réfugiés’ de 2015 », explique Amandine Van Neste-Gottignies, chercheure au ReSIC (Centre de Recherche en Information et Communication) de l’ULB.


« Le but était d’objectiver une intuition initiale qui était que les Ukrainiens étaient considérés comme des ‘réfugiés méritants’. » L’étude a montré que les Ukrainiens étaient en effet qualifiés presque systématiquement de « réfugiés », et qu’il était aussi régulièrement fait état de leur courage. « Dans l’imaginaire collectif, le réfugié est persécuté et a le droit d’être là. »

Pourtant, d’un point de vue juridique, les Ukrainiens ne sont pas des « réfugiés » mais des « déplacés », ressortant de la « protection temporaire ». Celle-ci leur permet d’éviter les longues procédures administratives de même que le séjour dans des centres d’accueil surpeuplés. Elle leur ouvre aussi le droit de travailler et d’aller à l’école directement. « Le 4 mars 2022, quelques jours seulement après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le Conseil de l’Union européenne a instauré une protection temporaire, justifiée d’une part par un mécanisme de solidarité visant à alléger la pression sur les régimes d’asile nationaux européens et d’autre part par la volonté de fournir des droits harmonisés... C’est là que commence à se dessiner le double standard puisque la protection temporaire avait déjà été discutée pour les Syriens, mais jamais activée. » Déploré pour des raisons de justice sociale, le « double standard » a aussi été justifié – en particulier à droite de l’échiquier politique – par l’argument de la proximité géographique et culturelle.

« Ce qui ne veut pas dire que les déplacés ukrainiens auront à terme une vie plus facile ici. La perception positive est aussi liée au caractère temporaire de la mesure », précise Amandine Van Neste-Gottignies.