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Comment des neurones influencent nos décisions

Publié le 3 juin 2025 Mis à jour le 3 juin 2025

Une étude dirigée par Alban de Kerchove d’Exaerde (ULB) met en lumière le rôle central du striatum – une région clé du cerveau – dans les décisions que nous prenons. Ce travail ouvre la voie à des thérapies ciblées contre des maladies altérant la prise de décision, telles que l’addiction ou la maladie de Parkinson, en identifiant les circuits neuronaux à moduler selon le profil décisionnel des individus.

Pourquoi prenons-nous certains risques et en évitons-nous d’autres ? En analysant les comportements de souris face à des choix risqués, une équipe de chercheurs dirigée par Alban de Kerchove d’Exaerde, Laboratoire de Neurophysiologie, Faculté de Médecine (ULB) révèle comment certaines populations neuronales influencent nos stratégies décisionnelles.

Cette étude apporte un avancement important dans la compréhension des mécanismes neuronaux qui sous-tendent la prise de décision en fonction de la personnalité : en identifiant le rôle distinct de deux populations de neurones impliquées dans la prise de décision (Neurones « SPN » - Neurones de projection du striatum) dans différentes régions du striatum, les chercheurs ont pu montrer que l’influence de ces neurones sur la prise de décision varie selon le profil cognitif de l’individu. C’est la première fois qu’une étude permet une analyse aussi fine de ces mécanismes.

Ces résultats ouvrent des perspectives concrètes : en révélant comment les neurones SPN influencent différemment la prise de décision selon les profils, l’étude éclaire les mécanismes à l’œuvre chez les personnes dépendantes, qui prennent des risques malgré les conséquences. Elle suggère des pistes thérapeutiques ciblées, adaptées non plus seulement au trouble mais aussi au profil décisionnel des individus.

Les trois profils de décision identifiés


En adaptant à des rongeurs le jeu de l’Iowa, un test de psychologie comportementale conçu pour évaluer la prise de décision face à l’incertitude et au risque, les scientifiques ont distingué trois profils cognitifs chez les souris :
  • Les explorateurs qui, attirés par la nouveauté et enclins à prendre des risques, sont les profils de type impulsifs et plus à risque d’addiction,
  • Les avertis, qui privilégient les options sécurisantes,
  • Les optimisateurs, capables de trouver un équilibre entre risque et récompense.
Cette étape de classification en trois profils a permis de comprendre les différences de comportement observées à la suite des modulations spécifiques de l’activité neuronale. Ces variations, qui seraient probablement passées inaperçues autrement, soulignent l’importance cruciale de cette méthode pour les recherches futures.

Influencer les profils de décision en agissant sur le striatum par le biais des neurones SPN


Dans le cerveau, le striatum joue un rôle crucial dans nos comportements moteurs, émotionnels et décisionnels. Il agit comme un centre de tri : il pèse les options disponibles et aide à choisir celle qui semble la plus avantageuse.

Il contient principalement deux types de neurones spécifiques appelés SPN :
  • Les dSPN (voie directe), qui favorisent les actions motivées par une récompense,
  • Les iSPN (voie indirecte), qui freinent ou ajustent les décisions selon les risques perçus.
Les chercheurs ont montré que ces deux populations neuronales n’agissent pas de manière uniforme, et que leur influence varie selon les régions du striatum. Elles modulent ainsi la prise de décision de façon différenciée, en fonction du profil initial de l’individu.

Les chercheurs ont modifié séparément l’activité de ces deux types de neurones chez les souris. Ils ont observé que :
  • Stimuler les dSPN rend les souris plus audacieuses, moins sensibles au risque quels que soient les profils initiaux des souris (explorateurs, avertis, optimisateurs) ;
  • Agir sur les iSPN produit des effets plus subtils sur le comportement, en fonction du profil de départ. 
Ces résultats permettent d’envisager de nouvelles approches thérapeutiques : en adaptant les interventions neuronales au profil cognitif du patient, il serait possible de mieux cibler les troubles comme les addictions ou les troubles du contrôle des impulsions.

L’étude a été menée par une équipe du Neurophy Lab de l’ULB Neuroscience Institute, dirigée par Alban de Kerchove d’Exaerde, en collaboration avec Jérémie Naudé de l’Institut de génomique fonctionnelle (Montpellier). Elle a été publiée dans la revue Science Advances.

Pour consulter l’étude :


Chaves Rodríguez, E., Naudé, J., Rial, D., & de Kerchove d’Exaerde, A. (2025). Direct and indirect striatal projecting neurons exert strategy dependent effects on decision making. Science Advances, 11(22), Article adq0484. https://doi.org/10.1126/sciadv.adq0484