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Invisibles aux yeux de l'Etat : étude sur les disparitions administratives
Publié le 3 juin 2024
– Mis à jour le 10 juin 2024
La revue scientifique « Brussels Studies » a fait paraître une étude menée entre autres par Jacques Moriau (Metices, ULB) intitulée : « Invisibles aux yeux de l'Etat. Une première estimation des "disparition administrative" en Région de Bruxelles-Capitale ».
À quelques jours des élections, les citoyennes et les citoyens appelés à voter ont reçu leur convocation électorale dans leur boîte aux lettres. Disposer d’une adresse officielle est donc impératif pour remplir son devoir électoral. Mais cela l’est aussi pour bénéficier des droits fondamentaux : sécurité sociale, aide sociale, médicale et juridique. Or, un nombre croissant de personnes se trouvent dans un non-lieu administratif qui les rend « invisibles » dans le Registre national et les prive de leurs droits sociaux. Ces « personnes invisibilisées » sont au cœur du 192e article de Brussels Studies qui s’intéresse à la disparition ou la radiation des registres administratifs. Les résultats présentés sont issus d’un projet rassemblant des chercheur·e·s en sociologie, démographie, art de bâtir et analyse territoriale de l’UCLouvain (Alain Malherbe, Jean-Paul Sanderson, Adèle Pierre, Alexandre Leclercq) et de l’ULB (Jacques Moriau).
En ayant eu accès à des données du Registre national sur plusieurs années, les auteur·e·s ont pu identifier le nombre de personnes qui se trouvaient dans le registre à une date, puis qui n’y figuraient plus. La plupart de ces situations s’expliquent par l’émigration ou les décès, mais ce sont les disparitions inexpliquées et les radiations que l’article interroge. Un tiers des cas recensés au niveau national survient à Bruxelles, qui n’abrite pourtant que 10 % de la population nationale. Le phénomène d’invisibilisation y est donc préoccupant. Pour le comprendre, les chercheur·e·s ont croisé les informations du Registre national avec des données socio-économiques et ont doublé l’enquête quantitative d’un volet qualitatif, combinant des entretiens auprès des services administratifs et de personnes en situation d’invisibilisation administrative.
Ce phénomène est le produit des transformations qui remodèlent la ville. Les dynamiques de métropolisation y accroissent les inégalités sociospatiales par la concentration des fonctions et entreprises internationales et l’augmentation de l’immigration internationale hautement qualifiée, mais également de l’immigration très précarisée. La géographie de l’invisibilisation administrative à Bruxelles le reflète d’ailleurs, en faisant ressortir les quartiers concentrant étudiant·e·s et travailleur·euse·s internationaux qualifiés, d’une part, et les quartiers aux indices socio-économiques faibles, d’autre part.
Par ailleurs, l’analyse des parcours de vie des « invisibilisé·e·s » fait apparaître la conjonction de plusieurs dynamiques qui fragilisent des pans importants de la population bruxelloise, tels que la paupérisation, la crise du logement ainsi que la complexification et l’automatisation des mécanismes administratifs. La perte du domicile apparaît alors souvent comme le dernier stade d’un long décrochage, privant les personnes de leurs droits.
L’accroissement du phénomène d’invisibilisation doit ainsi amener une réflexion sur la nécessité du lien entre domicile, identification et accès aux droits sur lequel reposent nos politiques sociales. Cela permettrait d’imaginer d’autres modalités d’accès aux droits afin de garantir à toutes les personnes vivant à Bruxelles une existence conforme à la dignité humaine.
Lire l'article
En ayant eu accès à des données du Registre national sur plusieurs années, les auteur·e·s ont pu identifier le nombre de personnes qui se trouvaient dans le registre à une date, puis qui n’y figuraient plus. La plupart de ces situations s’expliquent par l’émigration ou les décès, mais ce sont les disparitions inexpliquées et les radiations que l’article interroge. Un tiers des cas recensés au niveau national survient à Bruxelles, qui n’abrite pourtant que 10 % de la population nationale. Le phénomène d’invisibilisation y est donc préoccupant. Pour le comprendre, les chercheur·e·s ont croisé les informations du Registre national avec des données socio-économiques et ont doublé l’enquête quantitative d’un volet qualitatif, combinant des entretiens auprès des services administratifs et de personnes en situation d’invisibilisation administrative.
Ce phénomène est le produit des transformations qui remodèlent la ville. Les dynamiques de métropolisation y accroissent les inégalités sociospatiales par la concentration des fonctions et entreprises internationales et l’augmentation de l’immigration internationale hautement qualifiée, mais également de l’immigration très précarisée. La géographie de l’invisibilisation administrative à Bruxelles le reflète d’ailleurs, en faisant ressortir les quartiers concentrant étudiant·e·s et travailleur·euse·s internationaux qualifiés, d’une part, et les quartiers aux indices socio-économiques faibles, d’autre part.
Par ailleurs, l’analyse des parcours de vie des « invisibilisé·e·s » fait apparaître la conjonction de plusieurs dynamiques qui fragilisent des pans importants de la population bruxelloise, tels que la paupérisation, la crise du logement ainsi que la complexification et l’automatisation des mécanismes administratifs. La perte du domicile apparaît alors souvent comme le dernier stade d’un long décrochage, privant les personnes de leurs droits.
L’accroissement du phénomène d’invisibilisation doit ainsi amener une réflexion sur la nécessité du lien entre domicile, identification et accès aux droits sur lequel reposent nos politiques sociales. Cela permettrait d’imaginer d’autres modalités d’accès aux droits afin de garantir à toutes les personnes vivant à Bruxelles une existence conforme à la dignité humaine.
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